Stocker ne suffira pas, il faut réduire les GES agricoles !

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Stocker ne suffira pas, il faut réduire les GES agricoles !

Les additifs pour les rations des bovins constituent un secteur dans lequel la recherche est très dynamique. Ils promettent des réduction de 10 à 50% des quantités de méthane émises par fermentation entérique.

Neutralité carbone dans le secteur agricole ? On en est loin : le secteur aura du mal à compenser ses propres émissions, dans lesquelles pèsent non seulement du CO2, mais aussi du protoxyde d'azote (N2O) et du méthane (CH4). Explications.

Focus sur les émissions agricoles de gaz à effet de serre. Sur cent ans, le protoxyde d’azote possède un pouvoir de réchauffement global 265 fois équivalent à la même quantité de CO2. Tandis que celui du méthane biogénique atteint une équivalence de 80 à vingt ans. Ces deux gaz sont donc de puissants « réchauffeurs » du climat ; le méthane à moyen terme, et le protoxyde d’azote à très long terme, avec bien sûr des effets cumulatifs. Le méthane est en grande majorité issu de la fermentation entérique des ruminants (mais aussi des cultures inondées), tandis que le protoxyde d’azote provient surtout des épandages d’engrais réalisés dans certaines conditions.

Des émissions agricoles de gaz à effet de serre identifiées et ciblées

émissions agricoles de gaz à effet de serre

Les sources des émissions agricoles de gaz à effet de serre.

Cela n’a pas échappé aux régulateurs, notamment européen et américain, qui multiplient les plans de réduction des émissions de méthane, notamment agricole. Même la Chine a identifié le problème.

Le protoxyde d’azote, dont les mécanismes d’émissions sont plus diffus, ne fait en revanche pas encore l’objet de plans aussi structurés.

Captage et séquestration ?

Pour compenser les effets de l’augmentation des GES dans l’atmosphère, et donc combattre le réchauffement climatique, des start-up (en majorité islandaises, suisses et israéliennes) travaillent à des installations de captage et séquestration du carbone de l’atmosphère.

Mais ces techniques sont chères, très énergivores, peu efficaces et encore à l’état de démonstrateurs. La porte-parole de Climeworks, entreprise emblématique de ce secteur, l’affirmait en novembre 2022 dans les colonnes de l’Usine Nouvelle : « Le captage direct dans l’air n’est pas la solution miracle. Diminuer les émissions doit rester la solution numéro un, deux, trois et quatre ! ».

Message reçu cinq sur cinq… mais par où commencer ? Si on peut prendre en compte toute la chaîne (de la fabrication des engrais aux industries agroalimentaires) c’est bien au niveau des activités et des fonciers agricoles que se situent les leviers les plus puissants pour diminuer ces émissions de CO2, mais aussi de N2O et CH4. En comparaison, la séquestration du carbone dans les sols agricoles atteint pour le moment un niveau assez modeste [la seule toute petite flèche qui pointe vers le bas dans le graphique ci-contre] comparée aux émissions [flèches vers le haut].

captation et émissions de CO2 par l'agriculture

La séquestration de carbone dans les sols agricoles reste modeste pour le moment.

Plutôt viser une diminution des émissions agricoles de gaz à effet de serre

Et même si le secteur agricole, au niveau mondial, démultipliait ses techniques de séquestration du carbone au maximum, il ne pourrait compenser que partiellement le total de ses émissions actuelles. L’Inrae, dans son rapport dédié au stockage du carbone dans les sols français* publié en 2019, estimait par exemple cette part à 41 % du total, en mettant en œuvre toutes les mesures de séquestration des GES et en poussant tous les curseurs au maximum.

« Ce constat renforce la nécessité d’explorer la réduction des GES, le protoxyde d’azote lié à l’usage des engrais azotés de synthèse, et le méthane lié à l’élevage [de ruminants, ndlr] », soulignent les auteurs.

Concrètement, cela signifie une modification importante des régimes alimentaires des animaux, et surtout des humains, pour diminuer drastiquement l’impact de la fermentation entérique des ruminants. En particulier les bovins : une vache produit 600 l de méthane par jour, contre 60 pour un mouton.

Globalement, les données sont cruelles pour l’élevage bovin : la production d’une tonne de viande bovine en vif émet en moyenne 14,2 t d’équivalent (teq) CO2, notamment en raison du méthane émis par ces ruminants. C’est à comparer aux 2,7 teq de CO2 émis en moyenne pour produire une tonne de viande de porc, et aux 1,3 teq CO2 pour la même quantité de viande de volaille* (données de la base de données Planete de Solagrao).

Des solutions en développement

La recherche de solutions pour diminuer la fermentation entérique des ruminants est en plein essor. Les candidats les plus sérieux aujourd’hui sont les additifs alimentaires à base de 3-Nitrooxypropanol et d’Asparagopsis, une algue rouge. Les estimations de réduction culminent à 50 % de la quantité de méthane produite par animal, et les conséquences de ces apports sont en cours d’évaluation (notamment sur les émissions d’autres GES, jusque dans les déjections).

Quant à la sélection génétique, elle bute sur plusieurs obstacles : en premier lieu, la volonté, en parallèle de la réduction d’émissions de CH4, de préserver (voire d’augmenter) la productivité. Les chercheurs sont aussi à la recherche de critères ou d’indicateurs corrélés à la quantité de méthane produite, facilement et à moindre coût, étant donné la difficulté à mesurer directement cette variable.

Le méthane, et donc l’élevage de ruminants en tant que tel, risquent d’entrer assez vite dans le viseur des décideurs. Car diminuer les émissions de ce gaz très spécifique au secteur agricole, doté d’un pouvoir réchauffant élevé à vingt ans, représente un moyen « simple » de contenir rapidement le réchauffement climatique.

Emissions agricoles de gaz à effet de serre par continent

émissions agricoles de gaz à effet de serre

Les chiffres sont des valeurs moyennes pour la période 2005-2014. Source des données : FAOSTAT, 2016

Pour remettre les choses dans leur contexte, il faut préciser que l’Europe n’est pas la seule zone du globe concernée.

émissions agricoles de gaz à effet de serre

Distribution mondiale des émissions de méthane.

Cela n’ira pas non plus sans une réflexion approfondie sur la fertilisation des sols agricoles, en lien avec l’élevage… et les émissions de protoxyde d’azote. Ni sans une très grande attention portée à la préservation des stocks de carbone existants dans les arbres, les haies et les prairies permanentes.

Si on résume, au chapitre des mauvaises nouvelles : il n’y aura a priori pas de solution technologique miracle. Rien de déterminant n’émerge ni du côté industriel ni dans le domaine de la recherche sur le vivant. La société et les décideurs vont certainement demander aux agriculteurs de modifier leurs pratiques et leurs exploitations une nouvelle fois, rapidement et sous contrainte. La bonne nouvelle ? Les agriculteurs, passés maîtres dans l’art de s’adapter, ont déjà une bonne partie des solutions en main.

Pour plus d’informations, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com :

A découvrir également : Rapport d’inventaire Floreal conjointement réalisé par le MinAA et le Citepa.

* Rapport « Stocker du carbone dans les sols français: quel potentiel au regard de l’objectif 4 pour 1000 et à quel coût? », Etude réalisée par l’Inrae pour l’Ademe et le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, publiée en juillet 2019

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