Les difficultés de gestion, demeurent limitées dans les cuma. Mais elles peuvent être retentissantes au regard de leur impact financier sur les exploitations adhérentes. Toutefois, très peu de cuma jusqu’ici ont déposé le bilan. Celles qui arrêtent ne laissent pas d’ardoises financières. Le plus souvent, elles stoppent leurs activités, non en raison de l’impéritie de ses dirigeants, mais faute de combattants ou de projets.
Pas de dépôt de bilan de cuma
Il serait donc injuste de jeter l’anathème sur les responsables. Leur intégrité personnelle n’est quasiment jamais prise à défaut. Parmi les rares arnaques connues, citons cet ancien trésorier de cuma de Poitou-Charentes qui avait subrepticement tiré profit à son avantage des produits financiers issus des placements bancaires. Ou bien, ce président à qui la cuma avait vendu un matériel d’occasion pour lequel on s’est aperçu peu de temps après qu’il l’avait mis en vente sur internet, à un prix nettement plus élevé !
Des difficultés sur la cuma par ricochet
Régulièrement, les crises économiques d’une filière fragilisent les adhérents et, par ricochet, la cuma. Cela peut être aussi des épisodes de gel ou de grêle qui anéantissent les rendements sur un territoire, et qui, par conséquent, vont réduire le volume d’unités de travail facturés par la cuma, tout en compliquant le paiement des factures. Les présidents et trésoriers ne sont pas à l’abri de ces secousses économiques sur leurs propres exploitations. Rarement, cela prend les proportions vécues récemment par une cuma du Centre Val-de-Loire : son trésorier, en difficulté financière, a été acculé à cesser son activité. Les missions de celui-ci ont été momentanément confiées au président. à son tour, l’exploitation de ce dernier, en tension économique, est mise en redressement. Entre-temps, l’assemblée générale 2023 n’est pas convoquée… Dans ces conditions, le groupe redoute la mise au jour de difficultés passées jusque-là inaperçues. De quoi nourrir une certaine suspicion : « Les responsables ont-ils bien facturé les travaux de la cuma concernant leurs propres exploitations ? » Sinon, ce serait assimilable à l’abus de bien social… Dans le cas présent, la banque a refusé le prêt demandé par la cuma. Rappel : en cas de dysfonctionnement manifeste, c’est à l’ensemble du conseil d’administration de sonner l’alerte.
Poser un diagnostic précis
Pour un observateur extérieur, il est souvent difficile d’évaluer, à la simple lecture du bilan et du compte de résultat, l’état précis de la situation financière de la coopérative, notamment de ses créances. « Comment savoir qui doit quoi entre les factures de travaux et la libération de capital social ? » s’interroge Anthony Chambrin, de la frcuma Centre. « Pour un exercice clos le 31 décembre, le niveau de créances à 120 % peut paraître excessivement élevé, mais ce n’est pas forcément le signe d’une gestion trop laxiste, si l’ensemble des factures de travaux sont émises en toute fin d’année. » L’accès à l’ensemble des documents comptables permettra d’y voir plus clair : le registre du capital social pour vérifier le degré d’engagement financier de chaque adhérent (pourcentage de capital social par rapport au chiffre d’affaire), le tableau d’amortissement d’emprunts pour évaluer les besoins de trésorerie à venir, le suivi de créances, pour identifier les débiteurs à plus d’un an…
Défaut d’assurance, bulletin d’engagement, impayés…
L’animateur de la région Centre Val-de-Loire pointe une série de dérapages de gestion observés dans quelques groupes : « J’ai rencontré par exemple des cuma qui souscrivent des contrats d’assurances auprès de compagnies non familières du monde agricole. Or, lorsqu’un sinistre survient, on s’aperçoit parfois que l’assurance ne prend pas en charge le matériel de la cuma attelé au tracteur de l’adhérent. » La non-conformité du matériel livré par rapport au bon de commande, entraîne aussi des tracas. « Dès lors que celui-ci a été précisément rédigé, les adhérents ont des leviers auprès du vendeur : renvoyer le matériel ou demander un avoir. En revanche, si le matériel a été subventionné, la cuma n’a d’autre choix que de le payer, étant donné que le versement de la subvention est subordonné à l’acquittement de la facture. »
Autre impasse dangereuse : l’absence de bulletins d’engagement : « souvent par négligence » constate l’animateur. La souscription de parts sociales fait aussi parfois défaut : « Dans la région Centre, elles représentent 10 à 12 % du CA. Cela peut suffire si les cuma disposent d’un matelas financier suffisant. Le prix du matériel étant de plus en plus cher, le niveau de capital social réclamé aux adhérents peut en effet représenter des montants colossaux. Mais attention à préserver un niveau d’engagement financier suffisant pour garantir la connexité des créances entre les parts sociales de l’adhérent et ses dettes à la cuma », rappelle Anthony Chambrin. C’est important en cas d’impayés. Un sujet qui parasite pas mal de groupe et vis-à-vis duquel les responsables ne sont pas toujours à l’aise, mentionne l’animateur.
… et achats intempestifs
Les achats compulsifs existent aussi. Trop de cuma sous-estiment la rédaction d’un cahier des charges précis pour décider de leur futur investissement. Ainsi, une cuma de l’Aveyron a commandé, sans étude préalable, un outil de travail du sol. Manifestement, le matériel était inapproprié à l’usage pour lequel il était prévu, et a donc été réexpédié dès le lendemain de son arrivée !
Les cuma butent aussi sur la difficulté à trouver parfois le bon tempo dans le cycle de renouvellement de leurs matériels. En parallèle, les plans de financement ou les durées d’amortissement ne sont pas toujours bien calibrés. Et quand le matériel toujours en fonctionnement est amorti, certaines d’entre elles négligent la nécessité de provisionner le financement du nouveau matériel qui remplacera l’ancien, ou les frais de remise en état, si le choix est fait de le garder. Une gestion rationnelle sur le temps long s’impose pour consolider l’outil cuma, dans un contexte économique de plus en plus incertain…
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