La transition climatique a commencé dans les exploitations françaises

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La transition climatique a commencé dans les exploitations françaises

La transition climatique a commencé. Selon notre enquête, neuf agriculteurs sur dix en subissent les conséquences. (crédit : Thierry RYO - stock.adobe.com)

Une année après son dossier Changement climatique : êtes-vous prêts ?, “Entraid” est retourné auprès de ses lecteurs pour les interroger sur ce phénomène devenu très concret depuis l’été 2022.

Face au changement climatique, sommes-nous prêts ? Une partie de la réponse avait été dévoilée dans une enquête de notre mensuel parue en décembre 2021. Sur le terrain, les journalistes avaient trouvé dans toute la France des exemples d’exploitants et de cuma qui mettent en œuvre toute une série de stratégies destinées à s’adapter.

640 agriculteurs s’expriment sur le changement climatique

Agriculture et gaz à effets de serre.

L’agriculture et la sylviculture sont les deuxièmes responsables des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire français (21 %) juste après les transports qui, eux, représentent quasiment un tiers des émissions de GES en France.

À dire d’expert, il s’agissait davantage d’initiatives ponctuelles que d’une réelle prise de conscience de l’ensemble de la profession. Un an après – l’été 2022, notamment, est passé par là –, les choses semblent avoir bien changé. En témoignent les résultats de cette enquête transmise à notre lectorat via le site internet d’ »Entraid » et notre newsletter. Plus de 640 agriculteurs, issus de toutes les régions françaises, ont pris le temps de s’exprimer.

Une majorité de questions étaient ouvertes, laissant les participants s’exprimer sans suggérer de réponses toutes faites.

Voici donc les résultats de cette enquête. Selon les réponses recueillies entre novembre 2022 et janvier 2023, plus de 9 agriculteurs sur 10 se disent directement impactés par les changements climatiques.

Enquête changement climatique Entraid

Une grosse majorité des agriculteurs interrogés (91,6 %) reconnaissent les conséquences du changement climatique sur leur production.

Enquête changement climatique Entraid

Une grosse majorité des agriculteurs interrogés (91,6 %) reconnaissent les conséquences du changement climatique sur leur production.

Enquête changement climatique Entraid

Une grosse majorité des agriculteurs interrogés (91,6 %) reconnaissent les conséquences du changement climatique sur leur production.

Pour faire face au changement climatique, les assolements changent

Hormis pour les cultures pérennes, la première réponse citée (14 % des répondants) pour s’adapter aux changements climatiques est la diversification des rotations.

Quelques-uns des répondants se tournent vers la génétique pour aller chercher de nouveaux hybrides plus résistants. Mais un mouvement plus large concerne l’introduction de nouvelles cultures et de couverts dans les rotations. Mouvement encore amplifié par l’introduction de dérobées et doubles cultures. Qui va, dans un tiers des cas, jusqu’à s’interroger explicitement pour diminuer ou arrêter des cultures trop gourmandes (en eau et intrants) ou sensibles, maïs en tête.

Les éleveurs réfléchissent sur la production de fourrage

Cet enrichissement de la palette des cultures présentes sur les exploitations va bien sûr de pair pour les éleveurs (deux tiers des répondants). Et ils développent une réflexion sur la production de fourrages. Non seulement en implantant des mélanges prairiaux adaptés au stress hydrique. Mais aussi en entretenant les prairies en sursemant. Et également en consacrant davantage de surfaces à la production de fourrages (y compris méteils, céréales immatures, sorgho). La luzerne est souvent citée.

Bref, davantage de technicité sur l’herbe et aux productions fourragères. Ainsi qu’une nouvelle attention portée à l’autonomie alimentaire des élevages. Il est intéressant de noter que plus de 5 % des répondants citent des changements profonds concernant le parcellaire lié aux pâturages, les dates d’entrée et de sortie des bêtes mais aussi la mise en place du pâturage tournant dynamique. Quasiment 5 % des répondants éleveurs indiquent qu’ils ont déjà diminué le chargement animal, dans un souci d’équilibrer la ressource alimentaire et la taille du troupeau.

Face au changement climatique, décaler les dates et irriguer

Au même niveau qu’ils se concentrent sur l’autonomie alimentaire (11,3 % des répondants), les participants déclarent mettre en œuvre les techniques d’agriculture de conservation des sols pour répondre aux enjeux climatiques. Moindre travail des sols ou sans labour, mise en place de couverts végétaux, davantage d’attention portée aux relations entre sols et plantes. Une réponse qui peut aller de pair avec la mise en place de haies et d’arbres dans le cadre des techniques d’agroforesterie (pour plus de 4 % des répondants).

Les décalages de dates sont naturellement identifiés comme une solution (semis plus précoces, décalages des mises à l’herbe, de la fenaison, etc.) par 8,5 % des répondants.

Les investissements dans le domaine de l’irrigation font aussi partie des pistes qui commencent à être explorées par les agriculteurs (7,5 %). Le but étant d’aller vers davantage de surfaces irriguées et de performance. Cela va de pair avec la recherche de nouveaux approvisionnements en eau pour 2 % des répondants.

Enquête Entraid changement climatique

Extraits de l'enquête sur l'impact du changement climatique sur les exploitations agricoles françaises.

Simplification du travail du sol et diversification de l’assolement pour les céréaliers

Du côté des céréaliers, la solution la plus citée est la simplification du travail du sol (par 8,11 % des répondants). Elle est suivie par la diversification de l’assolement (6,49 %). La troisième solution serait  l’arrêt de certaines cultures gourmandes (eau, intrants) ou trop sensibles (5,95 %). Le renforcement des systèmes d’irrigation est plébiscité par le même nombre de répondants (5,95 %).

Chez les répondants viticulteurs, trois facteurs se détachent (avec respectivement 8 % des répondants pour chacun de ces items) : la lutte antigel avec des tailles plus tardives et la mise en place de moyens de lutte mécanique (tours antigel), ainsi que le renforcement et l’amélioration de l’irrigation.

Des solutions plus radicales face au changement climatique

De manière intéressante, les répondants envisagent des mesures légèrement plus radicales pour l’avenir. Ce n’est plus la diversification des assolements qui arrive en tête des réponses (« seulement » 10 % des répondants l’ont identifiée comme une mesure qu’ils mettraient en place à l’avenir). Mais bien l’arrêt des cultures les plus gourmandes et sensibles, pour plus de 15 % des répondants.

Chez les éleveurs, le travail sur l’autonomie alimentaire et le gain de technicité dans les productions des fourrages font aussi le plein. Parmi les répondants, 12 % les identifient. Mais on note aussi la diminution du chargement animal, parfois appelée « extensification », mentionné par quasiment 10 % des répondants. Certains parlent carrément d’arrêter l’élevage de ruminants.

Émission de gaz à effet de serre élevage

Les élevages bovins sont largement en tête des émissions de gaz à effet de serre avec 5 024 millions téq CO2 devant les élevages porcins et ceux de volailles.
Source : FAO, Etude GLEAM 3.0 Évaluation des émissions de gaz à effet de serre et du potentiel d’atténuation.

Le rééquilibrage entre surfaces fourragères et taille du troupeau est identifié comme une solution par une deuxième catégorie de répondants qui souhaite davantage augmenter son parcellaire ou recourir à de nouvelles solutions (haies fourragères, pâturages en sous-bois, etc.) pour atteindre cet équilibre.

En cumulant amélioration de l’existant et la recherche de nouvelles sources d’eau (par stockage et forage notamment), l’irrigation est aussi identifiée comme une piste d’investissement par plus de 12 % des répondants.

Comment réaliser ces investissements ?

L’analyse ici est très simple. Un quart des répondants à cette question identifie les coûts des investissements comme un frein dans leur transition climatique. Une grande partie fait d’ailleurs le lien avec la chute actuelle de la rentabilité des exploitations. Les deux tiers des répondants sont éleveurs. Et ils se posent la question : comment se dégager la capacité d’investissement nécessaire à la transition climatique ?

D’autant plus que les débouchés de ces nouvelles cultures ne sont pas aussi rémunérateurs. Et les consommateurs ne sont pas toujours prêts.

Vient ensuite la rigidité administrative (notamment pour la création de réserves d’eau, spécifiquement citée par 5 % des répondants). Mais aussi la crainte de manquer de connaissances et d’accompagnement pour les mettre en place.

Enfin, la rapidité et l’intensité des changements à l’œuvre eux-mêmes alimentent une incertitude qui freine la prise de décision.

Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com :

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