Quatre idées reçues sur la transmission des exploitations

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Quatre idées reçues sur la transmission des exploitations

Dans l'Aude, les derniers chiffres font émerger que pour 57 départs, seulement, 32 sont compensés par une installation, a indiqué la représentante de la chambre d'agriculture (©Zoran Zeremski - AdobeStock)

La transmission des exploitations est un sujet fort dans l’Aude. C’est la raison pour laquelle la fédération des cuma en a fait le thème phare de son assemblée générale. L’occasion aussi de casser quelques préjugés.

SOMMAIRE

Lors de l’assemblée générale de la fdcuma de l’Aude, une table ronde regroupant Sylvie Montagné (chargée de mission installation transmission à la chambre d’agriculture de l’Aude) et Aline Lamarque (Association pour le développement de l’emploi agricole et rural de l’Aude) a permis de revenir sur quelques préjugés concernant la transmission des exploitations.

1 / Transmission des exploitations, un contexte difficile dans l’Aude

A / Taux de remplacement et âge des exploitants

Tout d’abord, pour remettre les participants dans le contexte, les deux conseillères ont rappelé des chiffres permettant de dessiner le panorama agricole audois, sur cette question de la transmission des exploitations.

« Entre 2010 et 2020, nous avons déjà perdu 13 % de nos chefs d’exploitation et co-exploitants, regrettent-elles. Nous avons aujourd’hui dans le département un taux de remplacement de 56 %. Cela signifie que pour 57 départs, nous avons 32 installations. Ce taux de remplacement atteint 61 % pour l’Occitanie. Dans l’Aude, 41 % des chefs d’exploitations ont plus de 55 ans. Qui représentent à eux seuls 28 % de notre parcellaire agricole. »

Chiffres du département de l’Aude, issu du dernier Recensement agricole de 2020 (Agreste)

B / Près de 20.000 exploitations en moins en 50 ans

« Ensuite, a expliqué Sylvie Montagné, j’ai pris les tranches de plus de 55 ans par filière. Ils représentent 57 % au niveau de la filière grandes cultures. À quasi-égalité, on trouve les cultures fruitières et la viticulture. Ensuite viennent les éleveurs bovin viande, le maraîchage et l’horticulture, pour où les chefs d’exploitation de plus de 55 ans représentent 48 % des effectifs. Et ensuite les éleveurs d’ovins et de caprin, avec 45 %. »

Chiffres du département de l’Aude, issu du dernier Recensement agricole de 2020 (Agreste)

« Si on se projette, d’ici 10 ans, poursuit-elle, nous aurons un peu plus de 900 exploitations qui cesseront leur activité. Pour mémoire, nous avons 6 100 exploitations en 2020. Voilà le tableau sur ce qui nous attend. Heureusement, quand on travaille sur la transmission, on sait aussi que le département de l’Aude est attractif en matière d’installation. Nous avons encore des prix du foncier qui rendent l’installation possible. »

Elles ont ensuite exploré plusieurs idées reçues auxquelles elles sont confrontées dans leur pratique quotidienne d’accompagnement des agriculteurs.

2 / 4 préjugés sur la transmission des exploitations

A / « Mon exploitation n’est pas rentable. Personne ne voudra la reprendre. »

Réponse d’Aline Lamarque, de l’Adear 11 : « On entend cela auprès des cédants. Ou des variantes, du type, « avec le changement climatique, les marchés, ma ferme est finie… » Mais il existe bien des possibilités, laissons les jeunes innover. Ils l’oublient souvent, mais les cédants, au moment où eux-mêmes ont repris l’exploitation, ont qussi pris leurs propres risques !

Il y a plein de manières… dans l’accompagnement on regarde les chiffres, le projet proposé. Ensuite on va étudier les possibilités, qui sont assez larges. Des fois on ne pense pas à tout. Comme vendre sa ferme à plusieurs projets, un changement de modèle, des adaptations… En l’état, la ferme n’est peut-être pas rentable, mais le potentiel se réfléchit, en lien avec les comptables.

Nous, on accompagne les cédants, entre 5 et 10 ans avant la transmission. À la rédaction d’une annonce, à la mise en relation avec les porteurs de projets, jusqu’à la réalisation du projet, des projets de chacun. »

B / « Mon exploitation est trop grosse. Personne ne pourra la reprendre. »

Réponse de Sylvie Montagné, de la chambre d’agriculture de l’Aude : « L’entreprise agricole, après la phase de transmission-reprise, va-t-elle s’avérer rentable ? On voit aujourd’hui de très belles exploitations, à fort capital. Un jeune qui arrive, souvent, ne pourra pas s’offrir ce type de ferme. Il faut donc réfléchir pour voir comment on va pouvoir la transmettre, pas telle quelle, mais en modelant certains aspects et en la rendant plus accessible.

La ferme peut s’enrichir d’autre chose, devenir tout autre. Il faut aussi que les cédants soient ouverts à cette projection. Dans le duo cédant/repreneur, chacun doit faire un pas l’un vers l’autre. »

C / « Les nouveaux agriculteurs veulent partir d’une feuille blanche. »

Réponse d’Aline Lamarque, de l’Adear 11 : « C’est vrai et faux. Certains préfèrent démarrer seuls, partir de rien.

Mais on ne va pas se mentir : une grande partie des repreneurs, si les fermes à reprendre étaient moins chères, préféreraient les reprendre directement. Parce qu’il y a un outil de production en place, et que c’est un superbe terrain de jeu pour démarrer son activité et de production, même en effectuant quelques changements au fil du temps.

C’est aussi très intéressant car en général, une exploitation en place signifie qu’il y a un cédant qui, dans une certaine mesure, peut l’aiguiller, le « mentorer ». Et ça, c’est de l’or, notamment pour les personnes non-issues du milieu agricole. »

D / « Mes enfants ont un travail. Inutile de les consulter à propos de la reprise. »

Réponse de Sylvie Montagné, de la chambre d’agriculture de l’Aude : « Les premiers à être impactés par la transmission, et donc la première cellule à qui en parler, ce sont bien les enfants. Et au-delà, les neveux, les nièces, qu’on a autour et au sein de la famille. La transmission familiale en agriculture, ce n’est pas pour rien qu’elle perdure depuis de nombreuses années. C’est parce qu’elle a fait ses preuves.

Oui, la première des choses à faire, c’est d’en parler avec son entourage et notamment avec ses enfants. Il n’est pas rare de voir des enfants qui se sont éloignés de l’activité agricole y revenir. Des personnes qui après la quarantaine se disent « j’y reviens, je veux apporter mes propres idées, ma propre installation. »

Donc, je dirais que ça dépend, aussi du prix. Pour cela on a quelques outils, les subventions, la DJA aide à l’emprunt mais ça ne fait pas tout.

3 / Des outils pour aider à faire face aux préjugés sur la transmission des exploitations

Il existe aussi des outils intéressants dans nos accompagnements. Il y a des outils qui aident à réfléchir, des outils fonciers, pour acquérir progressivement le foncier. Quand on rédige l’offre avec vous, quand on réfléchit, on peut voir ce qui pourrait être intéressant pour une installation progressive financièrement.

  • La rédaction d’offre en prenant en compte tous les éléments.
  • La mise en relation (Répertoire installation pour les chambres d’agriculture, site « Objectif Terres » pour le réseau des Adear)
  • Des dispositifs d’acquisition progressive du foncier.
  • En Occitanie, il existe le Cefi, un dispositif qui permet de tester soit la reprise, soit l’association au démarrage. Pendant 6 mois à 1 an, on peut tester sa reprise avec la personne dans la ferme, progressivement. Ce Cefi, anciennement le parrainage, est financé pour le stagiaire par la Région, par France Travail (anciennement Pôle Emploi). Il permet un accompagnement rapproché du projet.

« La transmission est un processus qui prend en moyenne entre 5 et 10 ans, et qui met en jeu de multiples paramètres : les revenus, le patrimoine mais aussi la transmission des savoir-faire, l’estime de soi et de son métier », avertissent les conseillères. « D’où l’intérêt pour les futurs cédants d’y réfléchir très en amont et de se faire accompagner. »

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