Une technologie qui ne s’arrête plus ?

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Une technologie qui ne s’arrête plus ?

Jusqu’où peut aller l’intelligence artificielle ? L’IA est capable de grandes choses d’un point de vue économique et écologique mais pour le moment, l’accès aux données semble être limitant. (©Adobe Stock)

L’IA est entrée dans nos vies et nous avons l’impression qu’elle ne s’arrête plus tant qu’il y a des données à analyser. Des effets néfastes mais aussi de grandes perspectives s’ouvrent avec cette nouvelle technologie. Analyse des experts.

Nous plaçons beaucoup d’espoirs et de craintes dans l’intelligence artificielle. « On a envie de mettre de l’IA partout, lance Christian Germain, professeur de la chaire AgroTIC. La réalité, c’est que nous ne connaissons pas encore la limite de cette technologie. Car pour la développer, il faut qu’il y ait un intérêt pour l’utilisateur. » Au risque de connaître des désillusions sur les services que pourrait rendre l’IA. À l’image de la courbe d’adoption d’une technologie (voir infographie).Actuellement, nous sommes dans la phase croissante de l’adoption de l’utilisateur mais elle risque de chuter lorsqu’elle commencera à être démocratisée. « Pour le moment, on imagine que l’IA va résoudre tous les problèmes », alerte l’expert.

Optimisation à fond

Quoi qu’il en soit, l’IA va venir bousculer la société. « Elle va sûrement remplacer certains emplois pour en créer d’autres, prévient Christian Germain. Elle va également rendre certaines tâches plus efficaces sous réserve d’avoir un expert à proximité pour toujours vérifier et juger le résultat. » Les emplois et les formations vont devoir s’adapter.

Si la prévision météo n’entrerait pas directement dans son champ d’application, la valoriser pour optimiser un itinéraire de culture et de décisions d’intervention semble totalement à la portée d’une intelligence artificielle. Bien conçue, celle-ci pourrait aussi calculer les plus justes prix par exemple pour une utilisation de matériels agricoles soumis à des paramètres multiples et évolutifs dans le temps, tels que le cours du carburant, les frais d’entretien probables… ou encore optimiser des trajets pour limiter des consommations de carburant.

L’IA suscite autant d’attentes que de craintes.

Une success story ?

Imaginez un peu aussi, un bibliothécaire capable de trouver dans les 468 derniers numéros d’Entraid, la réponse précise à la question que vous lui avez posée il y a tout juste 15 secondes. Quant à savoir si un tel développement se range du côté de la pertinence ou de l’utopie, “tout est question d’échelle”, répond Nicolas Greffard de Valeuriad.

Toutefois, à ce jour, les bases de données freinent le développement de l’IA. Il est encore très difficile et coûteux de récupérer des données qualitatives et en quantité. Se les procurer représente encore un réel investissement pour les entreprises. « Pour utiliser au maximum l’IA, il lui faut une vraie success story, estime l’expert. Et le succès, ce sera quand on n’en parlera plus et qu’elle sera présente dans nos objets du quotidien. »

En agrométéorologie, les champs d’utilisation de l’intelligence sont quasiment illimités. « Avec le développement de nos outils sur les prévisions de jours de gels ou pour le pilotage de l’irrigation, nous avons acquis une capacité à croiser les données, lance Emmanuel Buisson, directeur de la recherche et de l’innovation chez Weenat. Dans quelques années, nous serons capables de réaliser des prédictions sur les évolutions du sol. D’un point de vue pédologique avec les risques de croûte de battance, agronomiques ou encore chimiques en évaluant la température du sol. »Mais d’ici là, on peut espérer voir arriver sur le marché des outils d’aide à la décision encore plus performants. « On peut espérer que l’IA permette aux agriculteurs d’être plus efficients d’ici 2023, estime le directeur. Grâce aux capteurs et autres outils connectés et à l’IA, on sera capable de conforter les choix des agriculteurs. » Le rêve d’apporter la bonne dose au bon endroit et au bon moment devient alors réalisable. L’intelligence artificielle apporte la fiabilité de la production.

S’adapter au changement climatique

Dans la même veine, avec l’IA, on pourra prédire un rendement selon de nombreux paramètres que sont le sol, la variété semée ou encore les aléas climatiques. « Attention, toutefois, à ne pas trop extrapoler, l’IA ne rendra pas un mauvais agriculteur bon, tient à souligner Emmanuel Buisson. Mais elle le fera gagner en efficience et en adaptation. » Et vues les contraintes agro-climatiques qui se profilent, ce n’est pas superflu.

Ces développements restent possibles uniquement si les entreprises parviennent à collecter les bonnes données et qu’elles soient fiables. Pour le moment, c’est là où le bât blesse. Après avoir récupéré de la donnée à tout va, les entreprises tentent dorénavant de la collecter tout en gardant l’intérêt pour le produit créé et le client final. Elle devient alors plus fiable et plus précise. « D’ici quelques années, les bases de données seront davantage exploitables et à ce moment-là l’IA pourra se développer encore plus rapidement », prévoit Emmanuel Buisson.

L’intelligence artificielle dans le machinisme n’est qu’à ses débuts. Là où il y a des capteurs on peut imaginer que l’IA vienne apporter de la précision, de la prédiction. « La seule limite reste dans l’acquisition de bases de données, sans cela, on pourrait utiliser de l’intelligence artificielle partout », estime Eric Mivelle, spécialiste produits chez Krone.

Définir le niveau de chargement

Si pour le moment, le développement de l’IA reste encore très coûteux, lorsqu’elle sera démocratisée, elle sera plus abordable. À l’image des capteurs qui sont devenus très accessibles. « On pourrait utiliser les données collectées par les capteurs sur une ensileuse pour alerter le conducteur du niveau de chargement de la trémie, image-t-il. Les capteurs placés sur la remorque et la trémie pourraient déterminer les niveaux de chargements et vider automatiquement la machine. Il faudrait pour cela traiter les images et s’adapter à toutes les conditions. C’est assez basique. » L’IA pourrait ainsi augmenter les débits de chantiers, prédire les pannes ou encore remplacer la main-d’œuvre difficile à recruter actuellement.

Si on s’affranchit du nombre immense de données nécessaires à l’apprentissage de l’IA, on peut imaginer l’intelligence artificielle rapidement révolutionner l’agriculture. Finis les doses et épandages à la louche, l’agriculture de précision peut facilement être mise au point. « C’est l’adoption des agriculteurs à ces techniques qui vont déterminer la progression, explique Éric Hais, cofondateur de la société Usedrone. Car plus on l’utilise, plus l’IA sera précise et fiable. »

Pousser la technologie vers le conseil

Avec des données du sol, de compositions, de variétés, d’itinéraires techniques culturales, de volumes d’eau, il sera ensuite facile à l’IA de prescrire des conseils très précis selon les cas. « Il va être facile de piéger des ravageurs, les prendre en photos grâce à des capteurs, de les identifier et déterminer, illustre l’informaticien. Selon leur densité de population, qui aura été déterminée par l’IA également, le modèle sera capable de décider s’il faut alerter l’agriculteur. » On peut même pousser la technologie vers un conseil de dose et d’utilisation de la matière active.

Cela devient de plus en plus réaliste grâce aux capteurs qui sont de plus en plus précis et petits, à la caractérisation et sauvegarde des données, à la puissance du numérique et à l’IA qui accélère le traitement de ces données et qui est capable de prédire. « Pour que la révolution soit suivie, il ne va pas falloir oublier l’agriculteur, tient à faire remarquer Eric Hais. Il faudra l’accompagner dans l’utilisation de ce nouveau modèle. Mais l’agriculture n’est pas le seul secteur qui sera bouleversé. On ne connaît pas encore la puissance de cette technologie mais elle risque de révolutionner de nombreux métiers. »

Garder l’intelligence humaine

Toutefois, l’informaticien tient à être prudent. « L’IA ne doit pas remplacer notre intelligence. Nous devons être vigilants à savoir encore faire les choses manuellement. C’est le seul moyen de garder le contrôle dessus et de savoir si la réponse est erronée. C’est l’œil humain qui sera désormais la valeur ajoutée. »

Avec la démocratisation de l’intelligence artificielle, apparaissent de nombreux débats d’éthique. Le premier concerne « l’effet bulle » créé par les réseaux sociaux. Les algorithmes utilisés sur internet peuvent être poussés à l’extrême pour prédire et suggérer certaines idées. « C’est le cas surtout sur les sujets d’opinion où il est facile de suggérer les sujets qui sont en accord avec le modèle », explique Aurélie Jean, scientifique numéricienne.

Les données, la base

L’autre grande question que pose l’intelligence artificielle, est la gestion des données. C’est la vraie valeur de l’intelligence artificielle. Sans données, l’algorithme ne peut rien faire. L’Union européenne a d’ailleurs tenté de réguler ce trafic qui peut être vertueux mais aussi très dangereux avec IAact « mais les législateurs et politiques manquent de compétences techniques pour pouvoir réellement agir », estime la scientifique.

De plus, les données peuvent facilement être utilisées et certaines n’appartiennent même à personne. On peut donc les utiliser sans prendre en compte la propriété intellectuelle. À cela s’ajoutent les enjeux environnementaux et humains associés à ces nouvelles technologies. Celles-ci peuvent créer une aberration avec l’impact sur l’environnement du stockage de ces bases de données mais aussi sur la main-d’œuvre embauchée pour trier et caractériser ces données.

Le bien comme le mal

Toutefois, l’intelligence artificielle permet une grande avancée dans les technologies. Avec notamment le traitement des images qui est utilisé pour la médecine ou l’agriculture. En science, le fait de pouvoir traiter de nombreuses données rapidement peut accélérer la recherche et les découvertes. « Avec tous les abus qu’il peut y avoir, une vision sur le long terme de ces technologies peut s’avérer apocalyptique, lance la scientifique. Mais le fait est qu’on ne connaît pas l’avenir, on n’en sait rien. »

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