Transmission de la cuma : rebondira… ou pas ?

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Transmission de la cuma : rebondira… ou pas ?

Parmi les facteurs les plus importants pour se «projeter» dans la transmission, il y a le fait d’envisager que les « nouveaux » ne travaillent pas de la même manière, ni avec les mêmes outils.

La transmission et l’installation mobilisent fortement les organisations agricoles audoises, en raison du vieillissement des agriculteurs. À la suite d’échanges sur ce sujet entre les équipes de la fdcuma de l’Aude, de la chambre départementale d’agriculture et de l’Adear, Entraid imagine deux scénarios pour une cuma : un groupe rebondira, et pas l’autre.

Les cinq adhérents de la cuma des Trois vallées étaient réunis ce soir-là – une fois n’est pas coutume – pour parler d’avenir et de transmission. Les réunions, en effet, se faisaient rares. Car le président et le trésorier, qui connaissaient leurs dossiers sur le bout des doigts, consultaient les adhérents par téléphone avant de prendre toute décision. Les matériels étant tous amortis, il n’y avait d’ailleurs plus beaucoup de décisions à prendre.

Mais voilà : le trésorier et l’un des adhérents avaient décidé de « prendre leur retraite » pour de bon. Ils devaient par conséquent se retirer de la cuma, dont a priori, ils n’auraient plus besoin. Mais ils avaient retardé ce moment au maximum, sachant qu’une cuma doit avoir au moins quatre adhérents. En se retirant, ils risquaient effectivement de remettre en cause l’existence même de cette petite cuma. Or, elle rendait bien des services avec son plateau, ses bennes, son broyeur… et qui permettait de se croiser en trimballant les matériels !

Scénario 1, pas d’idée pour la transmission de la cuma : « Peut-être qu’un truc va se passer ? »

Après quelques plaisanteries, la bonne humeur retombe : était-ce la dernière réunion de la cuma, et en quelque sorte, de ce groupe de copains attachés à travailler ensemble ?

Jean-Claude, le trésorier, annonce :

– Vous le savez, je n’ai pas trouvé de repreneur l’année dernière. Donc mes hectares ne vous seront d’aucune utilité… Sans perspective de transmission, je vais vendre, je pense, à un négociant. Il m’en offre un bon prix, ça va me faire ma retraite. Les repreneurs ne sont pas prêts à s’aligner… et de toute façon, ils ne veulent que des bouts de mon exploitation, pas l’intégralité. .

– Pourtant, elle est rentable ton exploitation, non ? s’exclame Jean-François.

– Oui, mais il faut croire que ça n’intéresse plus personne, commente Jean-Claude.

– Et Perrine, la fille de l’infirmier, elle ne t’avait donc pas demandé ? l’interpelle le président.

– Tu parles. Jean-Claude tord le nez. Elle n’a rien, hormis un stage en Afrique du Sud, et elle me parle de taille rase de précision ! Finalement, il n’y a que les 12 ha que j’ai plantés récemment qui l’intéressent.

– De la taille rase de précision ? Jean-François lève les yeux au ciel : ça demanderait un sacré investissement, surtout pour 12 ha. Et puis, tes parcelles ne sont pas adaptées !

– Ça non, abonde Jean-Claude. J’en ai eu des visites de personnes qui veulent reprendre, 5 h par ci, 3 autres par là… ils veulent tout changer : faire du thym, de la biodynamie, arracher les vignes pour faire je sais pas quoi… mais pas un n’a une expérience agricole solide.

– Perrine, elle est technicienne à la coop, quand même, objecte Hervé. Et mon fils, il m’en parle de la taille rase de précision. Avec le manque de main-d’œuvre, une transmission pourrait quand même s’étudier, mais il faudrait d’autres adhérents.

– Tu te vois aller démarcher les autres, là ? Puis, il faudrait chiffrer tout ça, aller chercher les impayés, entretenir le machin, trouver des chauffeurs,
gérer le planning… En plus, si on fait entrer des jeunes, ils vont vouloir tout informatiser, sans s’investir.

Sonnés, ils se regardent, en buvant le café à petits coups pour masquer leur gêne.

– Bon, finit par reprendre Hervé, si aucune transmission n’est possible, il va falloir dissoudre la cuma. On peut voir avec la fédé comment faire. On pourra peut-être leur demander si on peut racheter les matos en copro, pour pouvoir les utiliser quand même.

– Ou alors on attend de voir encore un peu ? propose Jean-François. Peut-être qu’un truc va se passer entre-temps, qui permettra de garder la cuma.

– Je ne vois pas trop quoi, conclut Jean-Claude.

Scénario 2, une transmission de la cuma préparée : « C’est peut-être l’occasion d’y réfléchir ? »

Après quelques plaisanteries, la bonne humeur retombe : était-ce la dernière réunion de la cuma, et en quelque sorte, de ce groupe de copains attachés à travailler ensemble

Jean-Claude, le trésorier, attaque les hostilités :

– Je dois vous demander ce soir si vous voulez que la cuma continue à exister. J’ai entamé des démarches pour trouver un repreneur il y a quelques années déjà… mais mon exploitation, telle quelle, n’intéresse personne. Enfin pas ceux que je vise ! J’ai eu plein de propositions d’apprentis agriculteurs fantaisistes, de négociants, d’autres pour installer des panneaux voltaïques… et je ne vous parle pas des promoteurs. Et franchement, je me demande si ça ne vaudrait pas le coup ! Mais dites-moi ce que vous en pensez.

–  Et Perrine, la fille de l’infirmier, elle ne t’avait pas demandé ? l’interpelle le président.

– Tu parles. Jean-Claude tord le nez : Elle n’a rien ! À part un stage en Afrique du Sud, et elle me parle de taille rase de précision ! Il n’y a que les 12 ha que j’ai plantés récemment qui l’intéressent.

– Moi si j’étais elle, c’est bien les seuls hectares qui m’intéresseraient, rigole Hervé. Elle n’y connaît rien… mais elle est quand même technicienne à la coop, observe-t-il. Et la TRP, ça me titille aussi. C’est un sacré investissement, faut refaire les parcelles… mais mon fils m’en parle. Avec le manque de main-d’œuvre, c’est peut-être à envisager. Il regarde les visages songeurs de ses collègues.

– La cuma n’a jamais porté un tel investissement, objecte Jean-François.

– Justement, c’est peut-être l’occasion d’y réfléchir, réplique Hervé. On pourrait demander à la fédé des cuma de chiffrer, de voir les possibilités de subventions, d’établir un coût de revient… ça demanderait aussi de démarcher d’autres adhérents pour atteindre une surface rentable.

Tous réfléchissent. C’est un grand saut pour leur petit groupe qui avait toujours fonctionné « à la bonne franquette ».

– Au fait, mon fils a un pote qui cherche du foncier pour faire des PPAM, reprend Hervé, avant d’ajouter : Un mec qui se reconvertit après avoir été dans l’informatique. ça ne te dirait pas de le rencontrer pour quelques-unes de tes surfaces ?

– De la lavande, du thym et d’autres trucs ? Arracher mes vignes pour faire ça, t’es pas un peu malade ? l’apostrophe Jean-Claude.

– Ben… les PPAM, ça paie, en fait, pointe Jean-François. Mon voisin a planté un peu l’hélichryse italienne pour faire des huiles essentielles, et c’est le jackpot ! En attendant, ça nous permettrait peut-être de continuer à faire vivre la cuma, observe-t-il. Mettons qu’ils aient envie d’investir dans un matos pour la taille, ou pour les PPAM, même d’occasion, ça pourrait permettre de continuer à utiliser le reste.Faut voir ce dont ils ont besoin mais ça pourrait aussi servir à d’autres cultures et ouvrir à d’autres projets.

– Pfff… ils vont vouloir tout informatiser ! Et ils vont vous demander de mettre la compta sur Excel. Ne comptez pas sur moi, s’esclaffe Jean-Claude, tout guilleret soudain de ne pas avoir à mettre le nez dans ce dossier épineux.

Redevenu sérieux, le trésorier reprend :

– Bon, je veux bien rencontrer Perrine, l’écouter un peu. Pareil avec le pote de ton fils, Hervé. ça ferait un bon trésorier, ça, un mec qui a été dans l’informatique. Parmi les candidats que j’avais rencontrés, il y en avait un autre qui m’avait parlé de PPAM et d’amandiers, si je me souviens bien, mais je trouvais ça un peu fantaisiste.

Si tu me dis que ça paie… Mais je n’irai que si je n’y suis pas trop perdant. J’ai une retraite à financer, moi, Messieurs ! conclut-il en débouchant une bouteille de blanquette de Limoux.

Et vous m’inviterez aux réunions ?

J’amènerai l’apéro.

Pourquoi l’une rebondit et pas l’autre ?

  • Plusieurs facteurs ont été identifiés par les OPA et qui facilitent ou freinent la transition :
  • la capacité à anticiper la transmission (exploitation ou cuma)  ;
  • envisager de ne pas transmettre son exploitation « d’un bloc », s’ouvrir à de nouvelles activités ;
  • envisager que les « nouveaux » ne travaillent pas de la même manière, avec les mêmes outils ;
  • l’envie de s’investir ou pas dans de nouveaux projets ;
  • l’énergie pour se mettre en relation avec d’autres ;
  • l’ouverture à l’accompagnement.

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