Cet agriculteur céréalier, qui « règne » sur une exploitation moyenne de 90 ha, n’est pourtant pas né de la dernière pluie. A 55 ans, certaines saisons comme celles de 1987 ou 1992 sont restées gravées dans sa mémoire. Mais il donne une note de 7/20 à la récolte de 2016. « Et encore! » Des grains de blé flétris, rachitiques, filent entre ses mains calleuses. A côté des grains « sains », dorés et charnus, ils composent une bonne partie du tas entreposé dans son hangar, qui de surcroît n’atteint pas de plusieurs mètres la limite habituelle.
« La norme en poids est de 76 g/l mais cette année ça va de 62 à 72« , explique Patrick Rimbert, désabusé, dans son jargon de technicien. Le département de la Somme est l’un de ceux en France dont les rendements ont le plus chuté, jusqu’à 50% selon Luc Vermersche, président de la section « Grandes cultures » de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) de la Somme.
Un arrêté reconnaissant les circonstances exceptionnelles subies a été signé mercredi par le préfet, préalable au déblocage de mécanismes d’aide variés. « On est revenu à un rendement des années 1960, ça ne paye même pas les consommables mis en œuvre », lance le syndicaliste, qui rappelle aussi que les cours mondiaux ont baissé de 20% en un an, de 40% en quatre ans. Il glisse que les conséquences financières sont terribles. Pudique, Patrick Rimbert parle de « reports des annuités à demander aux banques », de « mesures d’accompagnement » à obtenir, de « confiance des acheteurs » à retrouver… Il plaint surtout les jeunes agriculteurs qui viennent de s’installer, et pour qui de bonnes récoltes sont vitales.
« Notre métier, c’est s’adapter »
Patrick Rimbert ne se lamente pas sur son cas et, philosophe, trouve des explications. « On a un beau métier, on sait ce qu’on a mal fait », énonce-t-il, attribuant presque la culpabilité de ce bilan à lui-même plutôt qu’à la nature, érigée au rang de déesse nourricière. « La nature est plus forte que nous, c’est elle qui décide. Mais elle se rattrape toujours », témoigne-t-il. Les malheurs actuels du céréalier prennent leur source non pas simplement au printemps et en juin, lorsque les maladies ont assailli ses champs à la faveur de l’humidité, mais aussi et surtout en hiver. « On a eu un décembre très chaud en 2015, du coup au lieu de se reposer les blés se sont développés et cela a fragilisé la fécondation par la suite« , détaille-t-il.
Le changement climatique? Patrick Rimbert a bien remarqué « les pluies plus violentes qu’avant, les coulées de boue », mais il préfère ne pas trop y penser. Il se tourne à présent vers la prochaine récolte, promenant ses yeux sur ses champs à l’allure triste car déjà « déchaumés » (travail superficiel du sol pour le nettoyer et enfouir les chaumes). D’ici un mois et demi, il pourra labourer et semer à nouveau.
Alors que la Politique agricole commune (PAC, 40% du budget de l’UE) pour les années 2020-2025 va être débattue vendredi au château de Chambord à l’occasion d’une réunion d’une vingtaine de ministres européens de l’Agriculture, Patrick Rimbert fustige les contraintes administratives pesantes et rigides qui conditionnent ces aides indispensables. Ses déboires le rappellent: « nous travaillons avec la nature, notre métier, c’est s’adapter« . Pour Luc Vermersche, l’incertitude climatique se double d’une « financiarisation des matières premières ». De quoi aggraver l’instabilité de la condition paysanne.
Sentelie (France), 1 sept 2016 (AFP) Par Baptiste BECQUART
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