La demande a été divisée par deux, selon les syndicats agricoles. En raison de la fermeture des frontières, seul un tiers des travailleuses saisonnières marocaines – qui effectuent l’essentiel de la cueillette – ont pu venir.
« Tout le secteur est mort d’inquiétude » dans la région de Huelva, en Andalousie, qui fournit plus de 90% du marché européen à cette période de l’année. En effet, la demande fait « les montagnes russes », explique Sergio Gomez. Il exporte 70% de sa production en France, en République Tchèque et en Pologne. « Un jour, j’ai une commande et je dois faire une heure sup. Le lendemain, je me tourne les pouces », raconte-t-il.
« Le consommateur a complètement changé ses habitudes » et achète « tous les cinq à huit jours, voire dix jours ». Cela « plombe les ventes de nos produits » périssables, explique pour sa part Manuel Piedra, secrétaire général du syndicat UPA à Huelva.
Quête de main-d’œuvre locale
Dans la province andalouse d’Almérie, les producteurs résistent un peu mieux. Même si l’incertitude règne dans la « mer de plastique », où s’étendent à perte de vue les serres de culture intensive de fruits et légumes.
« Nous ne savons pas comment va réagir le marché, c’est une loterie », craint Juan Antonio Criado, sur le point de récolter ses pastèques, destinées principalement à l’Allemagne.
Adoracion Blanque, dirigeante locale du syndicat Asaja, assure elle que la demande étrangère « est restée presque la même pour les légumes ». Mais elle s’inquiète en revanche de l’absentéisme des salariés agricoles en raison du confinement général.
Se voulant rassurant, le ministre de l’Agriculture, Luis Planas, a assuré que « tous les produits alimentaires arrivent (au consommateur) en quantité et en qualité absolument normale ».
Pour parer au manque de main-d’œuvre dans le pays surnommé le « garde-manger de l’Europe » en raison de l’importance de ses exportations de produits agricoles, le gouvernement va débloquer 236 millions d’euros. Ceci afin de subventionner l’embauche de travailleurs locaux.
Pas de tondeurs de moutons
La pandémie affecte aussi l’élevage. Gaspar Gonzalez, gérant de la coopérative Fovex Sat en Estrémadure (sud-ouest), attendait comme chaque année une équipe de travailleurs uruguayens. Ceux-ci assurent la tonte de 100.000 moutons entre avril et juin. Mais ils arriveront au plus tôt en mai. Si les mesures extraordinaires destinées à lutter contre le Covid-19 sont levées.
Dommage, car les tondeurs uruguayens « donnent de très bons résultats ». Et il n’y a pas d’alternative locale.« Ici, malheureusement, ce métier a disparu », regrette-t-il.
Les prix de la viande s’effondrent de leur côté, en particulier l’agneau qui a perdu près de 40%. Car la viande, comme le poisson, souffrent de l’absence de clients cruciaux: les bars et restaurants qui ont dû fermer.
Moins de bateaux de pêche
« Tout se vend, mais avec des prix à la baisse », se désole José Malvido, un pêcheur de Galice (nord-ouest). Il a perdu presque la moitié de ce que lui rapportent normalement ses soles et ses turbots. Son épouse doit « beaucoup se déplacer » pour réussir à écouler toute la pêche. Elle la vend par exemple à domicile à des personnes âgées, raconte-t-il.
Globalement, le poisson, capturé par les bateaux espagnols dans les eaux européennes, souffre « d’une baisse des prix supérieure à 50% », explique Javier Garate, président de l’organisation patronale Europêche.
En Méditerranée, « plus de 90% des bateaux sont à l’arrêt ». Par peur de la contagion au sein des équipages manquant d’équipements de protection, explique Basilio Otero, président de la Fédération nationale de pêche artisanale. Dans le golfe de Gascogne, la campagne du maquereau continue mais les prix ont fortement chuté.
Même hors d’Europe, les pêcheurs espagnols ont des problèmes. « Au Pérou, la flotte avait accosté pour décharger (…) Ils se sont retrouvés coincés 15 jours dans un hôtel » en quarantaine, raconte M. Garat.