Le recul des maires-agriculteurs dans une ruralité en mutation

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Le recul des maires-agriculteurs dans une ruralité en mutation

La double casquette maire/agriculteur est en voie de disparition.

Dans les années 1950 un maire sur deux était agriculteur en France, aujourd'hui leur nombre est en chute libre et ils se retrouvent parfois démunis face aux demandes de nouveaux concitoyens et face au changement des mentalités dans les campagnes.

« Tous les six ans, élection après élection, on perd un nombre important d’agriculteurs-maires (…) Ce sera sûrement encore le cas cette année, donc on a incité nos responsables à s’impliquer sur les listes », a expliqué au début du mois Henri Biès-Péré, membre du bureau de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire.

« Car les communes et les communautés de communes sont des échelons de proximité qui sont concernés par le dialogue entre la société et l’agriculture. »

Lors des élections municipales de 2014, 5.639 agriculteurs ont été élus maires, représentant ainsi 15,38% des 36.000 maires du pays, selon le ministère de l’Intérieur.

Une proportion en baisse continue depuis plus d’un demi-siècle: en 1950, un maire sur deux était agriculteur, puis ce chiffre est descendu à 45,4% en 1971, 36,5% en 1983 puis 18% en 2001.

« L’intensification du travail agricole et la technicisation des fonctions municipales font qu’il devient incroyablement difficile de faire les deux », explique Pierre Cornu, professeur d’histoire à l’Université de Lyon. Et « même dans les régions où il n’y a pas de néo-ruraux, les agriculteurs sont trop minoritaires pour siéger dans les conseils municipaux », assure-t-il.

Alain Jourdet, éleveur et maire sans étiquette de Filain, en Haute-Saône (240 habitants), a choisi de ne pas se représenter. « Deux mandats, ça suffit, il faut du renouvellement et c’est un sacerdoce qui n’est pas facile », raconte-t-il. D’autant plus qu’il s’est également récemment lancé dans le maraîchage.

Si le nombre de maires-agriculteurs a fortement décru, leur implication à des postes de maires reste toutefois forte par rapport à la place qu’ils occupent dans la population active (seulement 1,3%).

Eteindre les incendies

L’importance de cette fonction pour les agriculteurs a été mise en lumière récemment quand le maire d’une commune rurale bretonne, n’exerçant pas la profession d’agriculteur, a mis le feu aux poudres en prenant un arrêté interdisant l’épandage de pesticides à moins de 150 mètres des habitations, à Langouët (Ille-et-Vilaine).

L’arrêté a ensuite été annulé par le tribunal administratif mais cette initiative a mené à une nouvelle législation depuis le 1er janvier sur les zones de non-traitement (ZNT) entre 5 et 10 mètres autour des habitations. Des dérogations peuvent toutefois être négociées via l’adoption de chartes d’engagement départementales.

« A la prochaine mandature, on va aller chercher les maires pour éteindre ces débuts d’incendie un peu partout, il va falloir qu’ils concilient les différents intérêts et participent à la création de chartes… je vous avoue que je considère que c’est à moitié mon boulot: s’il y a des règles, elle doivent être édictées au niveau national, pas local », déclare Jean Turmel, éleveur laitier et maire sans étiquette de Terres-de-Druance (1.000 habitants), une commune née en 2017 de la réunion de trois plus petits villages situés dans le Calvados.

Pour lui, « la suspicion autour des pratiques des agriculteurs est assez récente, et beaucoup liée à l’actualité ». Pour lui, « on a dressé les gens les uns contre les autres ».

Mais le débat contre les pesticides n’est qu’une des facettes des désaccords qui opposent les populations agricoles et les nouveaux habitants des campagnes qui ont un mode de vie plus urbain: le passage d’engins agricoles ou de bétail sur les routes, la coupe de haies… tout peut potentiellement devenir explosif.

« Aujourd’hui, il faut de la pédagogie avec le monde non agricole car sinon, on est foutu: comme on n’est plus que deux agriculteurs dans le village, si une route est salie (par un tracteur), j’ai tout de suite un ou plusieurs appels des autres habitants et ils viennent voir le maire » pour se plaindre, raconte Thierry Maire-du-Poset, maire sans étiquette de Rennes-sur-Loue, dans le Doubs (104 habitants), et producteur de lait destiné à la fabrication de comté bio.

« On sent bien qu’il faut peu de chose pour que ça devienne conflictuel », résume M. Turmel.

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