[Portrait] Baptiste Clément, éleveur : pragmatisme et innovation avant tout

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[Portrait] Baptiste Clément, éleveur : pragmatisme et innovation avant tout

Baptiste Clément est éleveur en Cerdagne, dans les Pyrénées-Orientales.

Installé en Cerdagne, un haut plateau des Pyrénées-Orientales, Baptiste Clément ne s’encombre pas. Que quelque chose ne fonctionne pas ? Il y a toujours une solution. Il faut juste la chercher et la mettre en œuvre. Peut-être un trait de l’agriculture de montagne qui expose plus rudement les systèmes et les hommes ?

La mi-septembre est bien dépassée au calendrier et l’automne porteur de pluies se fait attendre, comme une starlette un peu précieuse. Le plateau cerdan, calé entre 1 200 et 1 500 mètres d’altitude, offre au promeneur un point de vue incomparable sur les sommets alentour dont certains frôlent les 3 000.

Baptiste Clément, éleveur en Cerdagne

Les vaches sont encore à l’estive et Baptiste Clément espère qu’elles vont pouvoir y rester encore un moment. Histoire de préserver le maigre stock de foin qu’il a pu engranger cette année.

La Cerdagne, comme l’ensemble des Pyrénées-Orientales, traverse sa deuxième année de sécheresse. Alors certes, ce n’est ni la première ni la dernière, mais la situation est cette fois très exceptionnelle. Jusqu’à remettre en cause les fondamentaux et mobiliser encore une fois les capacités d’adaptation et d’innovation, quitte à « casser du bétail », le troupeau de vaches est passé en quelques mois de 110 à 82 mères…

La bringue et la vie

À l’issue de son Bac S à Font-Romeu, Baptiste Clément entre à Purpan, l’école d’agriculture de Toulouse, y reste une année de plus que le cursus normal la faute à une première année manqué à l’aune de la bringue.

Là, il rêve du futur, ce propre des jeunes gens que les anciens jalousent en silence. « À l’école, c’est une grande chance, j’ai été ouvert à toutes les productions, le vin, les grandes cultures, je m’étais dit qu’à la sortie de l’école je voyagerai un peu, que j’irai aux États-Unis au moins deux ans pour apprendre à faire du vin… »

« Pour les cultures, on a tout essayé »

Le destin, et la maladie d’un grand-oncle associé dans le Gaec familial en décideront autrement. Il s’installe en 2005. L’exploitation possède alors plusieurs ateliers, 80 vaches laitières, soixante mères blondes d’Aquitaine des chevaux de selle et de trait… Puis la crise dans le lait qui pousse à fermer l’atelier lait en 2011 pour concentrer le travail sur les bovins allaitants.

Son père, Michel, lui laisse de l’autonomie, c’est lui qui sait, il est de la nouvelle génération, celle qui devra succéder. Alors, il amène avec lui des idées nouvelles, glanées durant sa formation, dans son réseau d’anciens de Purpan, dans ses lectures. Il innove. « Pour les cultures on a tout essayé ici, le ray-grass, le trèfle, le tournesol ensilé… »

Pachamama et Saint-Antoine

Mais le bon combo, ce sera l’ensilage de céréales immatures, triticales et seigle associées à des pois fourragers, le méteil. « Avec le recul on sait que c’est intéressant zootechniquement dans la ration et c’est ce qui utilise le mieux l’eau qui tombe ici au printemps. »

Il s’essaye aussi au non-labour, « sauf pour les céréales pures qui nécessitent un labour parce qu’on ne peut pas se passer de désherbage. » Il râle doucement mais avec conviction. « Quand tu discutes avec les partisans du non-labour, tu as l’impression que c’est la solution miracle mais en fait, il faut adapter les itinéraires à chaque exploitation et je trouve personnellement que la Chambre d’agriculture, ici, ne nous a pas assez suivis là-dessus. Mais de toute façon, au final, tu es obligé de t’en remettre à Pachamama, (la terre mère des Incas, NDLR) et à Saint-Antoine, pour la pluie, » sourit-il.

Broutards, bœufs et chevaux

Mais le fatalisme ne doit pas confiner à l’expérimentation. Même si la famille est ancrée dans ce village depuis le XVIIIe siècle, cela n’empêche pas de réfléchir, de chercher, de se renseigner. Pour les cultures, le matériel… Tout remettre en question régulièrement. Une fois les vaches laitières écartées le Gaec s’est essayé au veau de lait, trop difficile dans le contexte cerdan avec la présence du fer partout qui empêche d’avoir la viande blanche que réclame le marché.

« Alors on est passé aux broutards, c’est plus simple, et on a développé la production de bœufs, une quinzaine par an, des blonds et des croisés, blond x angus et blond x waygu… »

Et puis à côté des vaches, des cultures, il y a les chevaux. « Il y en a toujours eu sur l’exploitation, des chevaux de traits et c’est mon père qui a fait entrer les premiers selles français. » Et ce coup de poker qui paye depuis 7 ans, l’achat d’une jument, Ashoka de Mars qui mit au monde un poulain fabuleux sur l’exploitation, Gio de la Blanquerie.

Le soja flambait.

Âgé de sept ans, il a été sélectionné trois années consécutivement pour les championnats du monde de saut d’obstacles de Laneken en Belgique et les propositions affluent pour racheter ce beau canasson.

Mais début septembre, ni Baptiste ni Christian Janin, son cavalier et copropriétaire n’avait pris de décision à ce sujet. Mais Baptiste a déjà trouvé le père des futurs poulains d’Ashoka de Mars. Chercher, innover, tout le temps, on vous dit.

Amères oranges

Et sa plus grosse gamelle ? Il en sourit aujourd’hui, mais elle lui a valu deux années de vache maigres au sens plein comme au figuré. « C’était en 2008 et 2009. Le soja flambait, alors pour le troupeau laitier, j’ai cherché des alternatives et je suis tombé sur la pulpe d’orange. J’ai refait la formulation, zootechniquement ça collait pile poile alors j’ai fait livrer un semi-remorque… » La suite sera plus amère qu’un jus de citron.

« Les vaches n’ont pas du tout aimé, probablement parce que ce n’était pas assez appétant, elles ont perdu la moitié du lait. Et comme nous n’étions pas loin du pic de lactation… Les mois suivants ont été très compliqués. On dit souvent que les éleveurs vivent avec 300 euros par mois, c’était vraiment le cas pour le coup se souvient-il. »

La cuma pour innover… et douter

Et la cuma qu’il préside aujourd’hui ? « C’est la plus vieille du département la plus importante aussi avec une quinzaine d’adhérents et c’est différent, difficile, il faut gérer les hommes. Mais c’est un des leviers essentiels qui m’ont permis d’innover, parce que nous avons eu accès à des matériels trop dimensionnés pour nos exploitations… »

Son père, Michel Clément, baisse le store de son habitation, il fait chaud. Lui sera à la retraite à la fin de l’année.

Et l’avenir ? « Tu m’aurais posé la question il y a deux ans, j’aurais répondu que je me voyais ici, dans 25 ans, installé avec un de mes enfants ou des neveux. Là, j’avoue, le contexte climatique, économique, l’évolution de la société, son regard sur l’agriculture, et encore ici en Cerdagne on est protégés car un peu à l’écart de tout, je doute. Le seul truc que je sais, c’est que je resterais, comme jusqu’ici, pragmatique. »

Bio Express

1980. Naissance à Perpignan.2005. Installation au sein du GAEC familial de la Blanquerie.2011. Arrêt de l’atelier lait

2014. Prends la présidence la Cuma Cerdamont.

2020. Sélection de Gio de la Blanquerie aux championnats du monde de saut d’obstacles de Laneken en Belgique.

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