A la ferme Saint-Meen, à Monteneuf (Morbihan) à une soixantaine de kilomètres à l’ouest de Rennes, Yves et Jean-Claude Orhan, 50 et 57 ans, naisseurs-engraisseurs de père en fils, veillent avec fierté sur leurs quelque 700 truies en maternité et 2.800 porcelets en post-sevrage.
Confrontés comme tout le secteur à la hausse du prix de l’énergie, les deux frères et leurs associés ont décidé il y a deux ans de faire appel à la lisiothermie, une technique née notamment au Danemark qui permet de valoriser la chaleur des déjections porcines.
Ici, l’alimentation des cochons, livrée deux fois par semaine par camion, est le premier poste de dépense, mais pour fonctionner la maternité est aussi très gourmande en chauffage dont la part peut dépasser les 40% de la consommation d’énergie. « La truie a besoin de 20-22°C, le porcelet, 30-35°C », explique Yves Orhan.
« Il fallait un système de chauffage et le prix de l’énergie allait en augmentant », lâche l’éleveur, cheveux grisonnants et larges épaules, en faisant visiter sa ferme à l’AFP. « On est allé voir à 20 km d’ici un autre élevage qui faisait cela et on s’est dit que c’était pas si bête », se souvient Yves Orhan.
Le fermier breton ouvre la porte du local technique abritant la pompe à chaleur qui convertit les précieuses calories du lisier.
« La pompe à chaleur fonctionne comme un réfrigérateur inversé », explique Yves Orhan, la voix couverte par le bruit sourd du moteur qui pulse l’eau chaude dans les bâtiments.
Le lisier chaud est directement récupéré depuis la maternité: passé à travers les caillebotis sur lesquels crapahutent les cochons, il tombe un mètre plus bas sur une grande dalle de béton au sous-sol qui capte la chaleur des déjections.
Les 7-8 degrés récupérés partent vers cette pompe, qui s’accumulent pour obtenir une eau à 55°C pour chauffer la ferme. A côté, une vanne trois voies permet de régler la température et d’obtenir une eau à 35°C.
Six kilomètres de tuyaux PVC ont été coulés dans la dalle, dans lesquels circule de l’eau chaude.
Moins d’ammoniac
« L’avantage c’est qu’en récupérant des degrés sur la dalle, on refroidit le lisier et il y a moins d’émanations d’ammoniac, donc moins d’odeur », souligne l’éleveur, un porcelet dans ses bras.
Une fois refroidi, le lisier est évacué et sert d’engrais.
Avec un coût de 50 à 60.000 euros, loin du million d’euros que peut coûter un projet photovoltaïque, Yves Orhan pense amortir son équipement sur 6 à 7 ans.
Mais quel effet sur la facture d’électricité ? Le fermier balaie la question: « Pour le moment on est encore en train de digérer le coût de l’investissement. »
Selon l’Institut du porc (Ifip), dans un élevage de 700-900 truies, avec une consommation de 1.000 kW par truie/an, un éleveur peut réaliser entre 5.000 et 7.000 euros d’économies d’énergie par an.
Selon l’Ifip, la lisiothermie a commencé à émerger en France il y a cinq ou six ans mais, avec une quinzaine de projets en cours au niveau national, reste pour l’heure confidentielle.
« Mais on sort d’une période de crise du prix du porc et cela pourrait évoluer dans le bon sens », estime Michel Marcon, ingénieur R&D bâtiment énergie à l’Institut.
« Ce n’est pas la solution de chauffage la plus simple », estime l’expert, « elle suppose la construction d’un bâtiment neuf ».
Mais les avantages sont indéniables: une température stable toute l’année, des salles qui « piquent moins », des animaux qui souffrent moins des émissions d’ammoniac. « Clairement cela ne va que dans le bon sens », analyse M. Marcon.
Mais il y a un bémol: la lisiothermie fonctionnant avec un tableau de commande centralisé, en cas de panne, une intervention peut nécessiter plusieurs jours.