Deux livraisons quotidiennes tout droit venues du champ, l’une d’herbe, l’autre de maïs. Pendant l’été, l’animation est constante à la table de la stabulation de Jérôme Tardif et le service bénéficie d’un certain standing! Le troupeau d’une bonne cinquantaine de laitières savoure ainsi du maïs frais pour la troisième campagne. C’est loin d’être la dernière, c’est une certitude. L’éleveur vient d’investir environ 10 000 € pour cette tâche d’astreinte qu’il effectue pendant quelques semaines.
Le but, c’est d’en affourrager le plus longtemps possible
«Cette année, j’ai commencé le 1er août.» Puis l’ensileuse connaît une panne. Il faut dire que l’outil récupéré chez ses beaux parents n’aurait pas juré dans la collection d’un musée. «Le problème c’était de trouver des pièces», enchaîne Jérôme pour justifier l’achat d’une remplaçante neuve qu’il trouve dans le Doubs. «Ça n’a fait qu’avancer l’investissement» que l’éleveur avait de toute façon planifié à plus ou moins long terme. «J’avais le choix entre deux marques et j’ai pris celle-ci parce qu’ils pouvaient me livrer rapidement.»
Une technique vue ailleurs
Finalement, le troupeau reste sans maïs une dizaine de jours. «Assez vite, les taux ont baissé», un peu comme à l’époque où Jérôme Tardif était à la recherche d’une solution fourragère pour passer l’été. «Mon objectif principal, c’était de maintenir l’état des vaches pendant la période estivale», se souvient-il. Pour lui, le maïs affouragé coche toutes les cases. Son prochain défi portera sur les choix variétaux. «Idéalement, il faudrait commencer mi-juillet pour finir fin novembre.» Pour étendre ainsi sa période de distribution, il compte sur le panachage des indices de précocité. «Il y aurait aussi un levier sur la date de semis», mais plusieurs périodes de semis sont autant de multiplications des interventions de désherbage mécanique ensuite. Le président de cuma voit tout de suite la complexité «s’il faut aller à la cuma prendre la houe, la herse ou la bineuse plusieurs fois, pour des petites surfaces à chaque fois.»
Les stocks servent pour seulement trois mois de l’année
Au niveau de la remorque aussi, le système de Jérôme a évolué cette année. Avec sa précédente remorque distributrice (par l’avant), il devait faire passer le flux de fourrage au-dessus du bloc de distribution. «Dans le petit maïs, c’était compliqué.» Avec l’épandeur qu’il a aménagé lui-même, le problème a disparu.
Eviter d’envisager l’affouragement s’il y a des kilomètres à faire
Il évalue à moins d’une demi-heure le temps nécessaire pour une tournée. «A mon avis, c’est le maximum à avoir en tête pour pratiquer l’affouragement. Il faut quand même que les parcelles soient assez proches.»
Recherche de sécurité
Dans son champ, à une vitesse de 5km/h (soit deux fois plus vite qu’avec son ancien équipement), l’éleveur est paré pour atteindre le régime de croisière d’une activité qui fait des curieux. Autour, certains font du colza fourrager. Lui-même l’a envisagé et tenté. «Au départ je cherchais quelque chose que je puisse faire avec la remorque autochargeuse que j’avais déjà pour l’herbe.» Mais le manque de garantie du résultat, «une année ça fonctionne, la suivante, non», lui font chercher autre chose. «J’ai vu ça sur internet, dans des vidéos et j’en ai parlé notamment avec Denis Bertrand, qui a l’habitude de voyager et avait déjà vu la pratique.» Sur l’élevage du gaec Saint-Lazare, la coupe quotidienne de maïs est aussi pratiqué, depuis deux ans. Jérôme souligne la démarche de groupe: «Nous avons aussi fait un voyage avec Agrobio pour aller voir en Franche Comté» dans des élevages où le maïs ne peut être valorisé que de cette manière sur une période de moins de trois mois.
Complément pratique en systèmes herbagers
«Nous avons des questions, des éleveurs qui s’intéressent à notre expérience.» Et selon la proximité des élevages, Jérôme Tardif n’exclue pas que des investissements collectifs soient pertinents pour affourager du maïs. Dans sa cuma, «nous ne sommes que trois éleveurs en bio, installés chacun sur une commune différente. Cela fait un peu trop de distance.» Néanmoins l’affouragement de maïs peut avoir un intérêt aussi pour des élevages en filière conventionnelle. La distribution peut être ajustée en fonction de la disponibilité en herbe «sans avoir à gérer un silo à une saison où le risque d’échauffement est accru», analyse François Pinot (technicien Agrobio 35) à partir du système de Jérôme Tardif. Si ce dernier s’est lancé, c’est qu’il avait accès facilement à une ensileuse 1 rang et que l’affouragement, il connaissait, pour pratiquer de longue date avec l’herbe: «il faut quand même avoir la fibre du matériel», précise l’ancien salarié d’ETA, car pour un éleveur pour qui monter sur le tracteur est une corvée, «ce n’est pas la peine.»
Plus d’informations techniques : extrait du magazine Symbiose de mai 2020