Louer au lieu d’acheter ?

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Louer au lieu d’acheter ?

La location se développe, à l’exemple de la cuma de Saint-Germain dans l’Aveyron, qui a loué un loué un tracteur de forte puissance.

La location de matériels intéresse de plus en plus d’agriculteurs et de cuma qui voient dans ce nouveau mode d’usage, une solution alternative à la propriété. Signer un contrat de location impose cependant, de la vigilance.

Posséder son propre matériel est le lot habituel d’une très grande majorité d’agriculteurs, contrairement à d’autres secteurs d’activité.  « En 1980 dans les entreprises de transports, seulement 15 % de la flotte de camions faisait l’objet de contrat de location. En 2022, c’est 80 % ! Le secteur du BTP a lui aussi de plus en plus recours aussi à cette stratégie », observe le Frédéric Lerverdier, le président de Solfiz, société nantaise de location, par ailleurs consultant de Camacuma (centrale d’achat du matériel agricole en cuma). Celui-ci présentait lors du forum des fédérations de cuma à Paris, le 27 septembre, cette nouvelle approche qui émerge dans le secteur des agroéquipements.
La location financière peut s’appréhender de trois façons, selon le responsable de Solfix : « La location avec option d’achat ou crédit-bail, la location financière ou opérationnelle sans option d’achat et avec ou sans services associés, et enfin la location d’usage. » Cette dernière se distingue de la précédente par une offre complète intégrant la maintenance, l’assurance, les contrôles VGP, les pneumatiques… doublée d’une grande flexibilité des périodes de location proposées à l’utilisateur.

Des avantages

En agriculture, plusieurs acteurs de premier plan du machinisme agricole et du secteur bancaire sont actifs sur ces nouveaux marchés, en particulier sur la location-bail : AGCO, John Deere, Claas, CNH, Crédit agricole, Crédit mutuel, Banque populaire… De nouveaux opérateurs rejoignent ce marché. La location n’est pas dénuée d’avantages en effet. En premier lieu, celui de la maîtrise budgétaire : l’utilisateur évite toutes déconvenues lors de la revente du bien. Et le contrat de location couvre pratiquement toutes les dépenses, mis à part le carburant et la main-d’œuvre pour le conduire. L’agriculteur peut ainsi connaître facilement le coût d’usage. C’est un gage de sécurité financière. Il est à l’abri des mauvaises surprises liées par exemple aux frais de réparation consécutifs à une panne inattendue. D’autre part, la location évite de mobiliser des capitaux. Cela peut intéresser en premier lieu les jeunes au moment de l’installation. Ceux-ci évitent par ce biais le recours excessif à l’emprunt, et maîtrisent ainsi leur taux d’endettement. On évite aussi le risque d’obsolescence rapide du matériel. Enfin, on peut optimiser l’utilisation du matériel si l’on choisit un contrat de location parfaitement ajusté aux besoins de l’utilisateur, tant du point de vue du nombre d’heures, que de la saison de la location.

Et des inconvénients

En contrepartie, la formule locative présente quelques inconvénients. Citons, par exemple l’impossibilité de bénéficier de subventions d’investissement, qui jusqu’à présent ne sont accessibles que pour l’achat. « L’inconvénient de cette solution d’équipement réside dans la concomitance de la disponibilité du matériel et des périodes de besoin. En effet, les périodes d’intervention, surtout en grandes cultures, sont assez restreintes. Ce qui raréfie la disponibilité du matériel durant ces périodes », ajoute Alexandre Jucquois, expert-comptable à l’AGC cuma Centre Ouest qui évoque aussi un autre inconvénient dans les contrats de location financière relatif au nombre d’heures d’utilisation prévues : « En cas de dépassement, ces heures seront facturées lors de la remise du matériel ainsi que, le cas échéant, d’éventuels frais de remise en état du matériel. » À l’inverse, si l’utilisateur ne réalise pas intégralement le forfait d’heures prévu dans le contrat, il ne pourra prétendre à aucun remboursement.

Points de vigilance

Le critère pour apprécier une offre de location est le rapport qualité/prix/service de la prestation proposée. On sera attentif également à :
– la flexibilité de l’offre en rapport avec le besoin réel de l’utilisateur,
– le suivi du matériel et la prise en charge de l’entretien,
– l’aide à la mise en service,
– le cas échéant, la mise à disposition rapide d’un matériel de remplacement en cas de panne sur un chantier de récolte par exemple.

La rédaction d’un contrat de location est systématique, lorsque le bien est loué à un professionnel. Pour éviter tout malentendu, elle ne doit pas occulter les exigences lors de la réception du matériel en fin de la période. Qu’est-ce qui relève de l’usure normale ou d’une dégradation anormale liée à un défaut d’utilisation ?

« Le discours a évolué chez les agriculteurs », observe Frédéric Leverdière, qui entrevoit chez les agriculteurs qui s’orientent vers la location d’usage, moins d’exigences relatives à la marque du matériel ou à sa couleur. Cette démarche concerne aussi les cuma. Pour certaines d’entre elles, ce sera l’occasion par exemple de lancer à moindre risque une nouvelle activité…

« À trois, on s’est engagés pour plus de 100h chacun »

La cuma de Saint-Germain, en Aveyron, avait déjà créé un groupe tracteur, jusqu’en 2003. L’agrandissement des exploitations a conduit à davantage d’investissements en individuel, la dynamique s’est essoufflée. Jusqu’à récemment, où à la faveur de quelques adhérents, l’activité a repris », explique Pierre-Louis Fage, secrétaire de la cuma de Saint-Germain.

« Nous avons acheté un gros broyeur de pierres en complément de notre petit, à la demande de quelques grosses exploitations », témoigne Pierre-Louis Fage. « Or, c’est l’activité du petit qui finançait celle du gros ! » Les responsables de la cuma prennent alors une décision radicale : « Nous avons vendu le petit broyeur et loué un tracteur de 250 cv. La location fonctionne. Au-delà même des heures au contrat, d’autres adhérents se décidant pour prendre le tracteur pour de petits quotas d’heures de transport. » Fin 2020, les conditions de location évoluent, remettant en cause l’équilibre de l’activité : « C’était 12 € en plus par heure, avec en outre les frais d’entretien et de pneumatiques à notre charge. » Le rachat du tracteur s’avère trop onéreux au vu des 3 500 h déjà au compteur. Le groupe étudie l’achat d’un tracteur neuf, mais les engagements fermes ne sont pas à la hauteur. « Nous n’avions plus le choix », résume le président, il nous fallait un tracteur de grosse puissance pour le broyeur. Or, parmi les adhérents de la cuma, certains avaient le projet d’investir dans un Combipack (une presse enrubanneuse). »

Au final, trois adhérents, dont le président, décident de mettre sur la table des engagements élevés, de plus d’une centaine d’heures. Entre les 300 h de broyage, les 80 h liées à la presse enrubanneuse, les heures mises sur la table par ces adhérents, « le groupe dépasse les 600 h. Nous ne regrettons pas d’avoir créé cette activité tracteur. Je regrette en revanche d’avoir perdu du temps à aller chercher de tout petits engagements », souligne le président. « Nous avons mis une priorité sur les activités de broyage de pierres et le Combipack. Au moment de l’ensilage, quand ça ‘bouchonne’, je mets à disposition mon plus gros tracteur et ça règle le problème. »

Elise Comerford-Poudevigne

Sélectionner deux matériels de la même famille pour les comparer