Les biodéchets alimentaires : un potentiel de 8 millions de tonnes de digestat

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Les biodéchets alimentaires : un potentiel de 8 millions de tonnes de digestat

Les collectivités devront accélérer sur le tri des déchets organiques. Dès 2024, les particuliers devront à leur tour respecter l'obligation de tri de cette catégorie de déchets (©Ronan Lombard).

Les biodéchets alimentaires des particuliers, dont le tri sera obligatoire à partir de 2024, représentent une ressource complémentaire pour les méthaniseurs. C’est en même temps une opportunité de renforcer le lien de ces équipements avec leur territoire.

Verres, cartons, plastiques, boîtes métalliques : les Français sont aujourd’hui coutumiers du tri sélectif. Pour autant, il reste encore dans la poubelle de beaucoup des ménages de l’Hexagone un tiers de détritus, les biodéchets. Ces restes alimentaires pourraient bientôt nourrir les méthaniseurs alentours. En effet, la loi prévoit que tous les particuliers disposent d’une solution de tri de ces biodéchets à partir du 1er janvier 2024.

Valoriser les biodéchets par compostage ou méthanisation

La lutte contre le gaspillage peut bien sûr réduire considérablement le volume de biodéchets. Néanmoins le reste devra être traité spécifiquement. En effet, leur mise en décharge génère des gaz à effet de serre, dus à la fermentation. Leur incinération nécessite quant à elle de l’énergie. Or ces biodéchets sont eux-mêmes une source précieuse de matière organique et d’énergie. L’objectif est donc de les valoriser par compostage ou méthanisation. Ainsi ils produiront des engrais organiques et de l’énergie.

Les gros producteurs de biodéchets (entreprises d’espaces verts, grande distribution, industries agroalimentaires, cantines, restaurants) sont déjà concernés par cette obligation de valorisation. En 2012, la loi s’appliquait à ceux qui produisaient plus de 120 t/an, en 2016, plus de 10 t/an et, en 2023, plus de 5 t/an.

Lien entre monde urbain et monde rural

En complément des composteurs individuels, ou composteurs collectifs de proximité au pied des immeubles, par exemple, les collectivités doivent trouver des solutions pour la collecte séparée des biodéchets des ménages en vue de leur valorisation (comme une poubelle dédiée). Dans ce cadre, elles sont susceptibles de rechercher une collaboration avec des agriculteurs méthaniseurs sur leur territoire. Ce nouveau gisement peut, en effet, intéresser les producteurs de biogaz.

D’après Thomas Filliatre, chargé de projets méthanisation pour Solagro*, société de conseils et de formation en agroécologie, les biodéchets représentent un gisement mobilisable évalué entre 5 et 9 térawatt-heure de biométhane. Et 8 millions de tonnes de digestat, fertilisant organique pouvant se substituer aux engrais chimiques. « C’est un moyen de créer un lien entre le monde urbain et le monde rural et de participer au développement durable des territoires », estime-t-il.

Le rôle des collectivités

Toutes les collectivités ne sont pas au même stade d’avancement. Elles ne rencontrent pas les mêmes contraintes en matière de collecte des biodéchets. Cela dépend notamment de la densité des habitats et de leur situation géographique, en milieu urbain ou rural. « La gestion des biodéchets est un sujet à la fois complexe, technique, et politique, indique Thomas Filliatre. Toutefois, avec la question émergente de l’indépendance énergétique des territoires, leur valorisation dans une unité locale de méthanisation prend tout son sens. »

Une collectivité peut ainsi être amenée à jouer un rôle dans la réflexion et la réalisation d’un projet de méthanisation : facilitateur, financeur (subvention, mise à disposition de site), actionnaire, porteur de projet, gestionnaire.

Infographie sur le recyclage des déchets organiques en territoire urbain - biodéchets

Les collectivités devront trouver des solutions en complément des récepteurs de détritus. Après la collecte, la valorisation. Les agriculteurs méthaniseurs pourraient alors devenir des acteurs de la chaîne de recyclage.

Des “soupes prêtes à l’emploi”

Du côté des agriculteurs méthaniseurs ou en réflexion de projet, l’intégration des biodéchets issus des collectivités pose plusieurs questions. D’abord, quelle est la ressource réellement mobilisable ? Ensuite, qui gère la collecte ? Mais aussi, quels équipements sont nécessaires pour la réceptionner, la traiter, éventuellement la déconditionner ?

Se pose également la question des déchets de cuisine et de table pouvant contenir des restes de viande. Ces derniers sont soumis à la réglementation sanitaire européenne. Ils doivent être hygiénisés avant d’entrer dans un méthaniseur. En raison du coût des installations, cette étape d’hygiénisation ou de stérilisation peut être gérée par un opérateur intermédiaire, fournissant une “soupe prête à l’emploi” au méthaniseur. L’hygiénisation peut aussi se faire en aval de la méthanisation, sur le digestat.

Contrat, diversification et qualité du digestat

Pour les agriculteurs méthaniseurs, il est important de sécuriser le gisement et donc de passer par la contractualisation pour inscrire la collaboration dans la durée. Un autre levier consiste à diversifier ses gisements pour assurer un lissage des volumes (saisonnalité des biodéchets de cantines scolaires, par exemple).

Autre enjeu déterminant : l’impact de l’intégration des biodéchets sur la qualité du digestat. Il faut savoir que la propreté de l’intrant et la performance du traitement (déconditionneur notamment) détermineront la propreté du digestat final. Les agriculteurs peuvent être frileux à l’idée de retrouver des résidus de plastique, verre ou métal dans leurs champs.

Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com :

*Solagro a organisé deux webinaires les 18 octobre et 8 novembre 2022 sur l’obligation réglementaire du tri des biodéchets en 2024. À revoir sur solagro.org, rubrique « Tous les focus », Obligation du tri des biodéchets en 2024 : Quelles opportunités pour les agriculteurs méthaniseurs et les collectivités ? . Un guide est également téléchargeable gratuitement.

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