Les simulateurs de conduite ont la cote

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Les simulateurs de conduite ont la cote

Simulateur de conduite : Une meilleure formation permet aussi de meilleurs recrutements.

Les centres de formation pour élèves et adultes commencent à s’équiper en simulateurs de conduite. Pourquoi? Primo, la pénurie de chauffeurs et de tractoristes guette dans bien des régions. Deuxio, le nombre d’accidents graves ne diminue pas. L’arrivée de ces simulateurs enthousiasme élèves et formateurs.

La 159e Vente des Grands Vins des Hospices de Beaunes accueillait en novembre 2019 un nouvel arrivant: un simulateur de conduite de tracteur-enjambeur. Benoît Maire, formateur agroéquipement au CFA/CFPPA de Beaunes, a dû retenir sa respiration lorsque les premiers tractoristes professionnels ont essayé l’engin et fait face à ses écrans, lors de cet évènement tout acquis à la tradition. C’est lui, avec l’entreprise messine Acreos, qui a conçu la progression pédagogique du simulateur pour permettre à ses apprenants, élèves et adultes, d’être à l’aise en faisant évoluer un tracteur-enjambeur dans les rangs étroits des vignobles du secteur.

Mieux se former

L’établissement renforce ses équipements de formation à destination des tractoristes car les domaines viticoles du secteur ont de très grandes difficultés à recruter actuellement. «Il y a une vague de départs à la retraite, et ce sont évidemment des tractoristes confirmés qui partent» explique Anne-Françoise Trollat, directrice du CFA/CFPPA de Beaunes.

Et les pratiques culturales changent, analyse Benoît Maire, enseignant en agroéquipement. «Il y avait auparavant un à deux tracteurs par domaine. On est aujourd’hui dans une politique environnementale où l’on veut éliminer tout ce qui est phytosanitaire comme le glyphosate, donc dans l’optique de retravailler les sols. Cela implique d’acheter des tracteurs supplémentaires, et de faire travailler du personnel formé en plus. Donc oui, les domaines sont engagés dans une course pour trouver du personnel formé.»

Éviter les accidents mortels

A cela s’ajoute une forte préoccupation liée à la sécurité des tractoristes. «Des accidents de tracteurs enjambeurs mortels, il y en a tous les ans. Rien que sur la côte de Beaunes, l’année dernière, il y en a eu deux. L’un avait 26 ans» rappelle l’enseignant.

«Il nous fallait donc former des jeunes en toute sécurité, résume Anne-Françoise Trollat. D’autant plus qu’un jeune de 15 ans n’a pas le droit de conduire un enjambeur ni d’aller sur la route.»

Les responsables de l’établissement, appuyés par la Région Bourgogne Franche Comté, ont donc lancé un appel à projets pour concevoir un simulateur de conduite(1). «Nous sommes partis de l’engin le plus dangereux, le tracteur enjambeur bourguignon, étroit, monorang, avec un centre de gravité et un risque de bascule élevé» explique benoît Maire.

L’entreprise Acreos a été choisie notamment pour son expertise pédagogique. L’enseignant et les développeurs ont conçu des modules d’exercices qui fournissent aux apprenants une progression régulière.

Le simulateur met en scène un tracteur à transmission hydro-statique, «avec un joystick pour la marche avant et la marche arrière, et un régime moteur affiché. On n’est plus sur une transmission mécanique avec boîte de vitesses» pour rester en lien avec ce qui sort de chez les constructeurs et la majorité des tracteurs du parc local.

simulateur de conduite - tracteur

Les écoles installent des progressions pédagogiques : au départ, les élèves évoluent sur des parcelles planes entre des plots.

 

«Les exercices sont évolutifs: d’abord on travaille les prises de poste avec le contrôle des niveaux par exemple, jusqu’à une approche finale avec des temps d’exécution d’exercices plus bas que ce qui est rentré dans les paramètres de configuration.»

Des outils complémentaires

«Nous avons établi plus d’une quinzaine de scénarios: avec les outils de travail du sol - charrue classique et interceps hydraulique -, avec différents exercices, terrains, saisons… Nous avons aussi la prétailleuse, la rogneuse, la tarière, le semoir à engrais, les machines à vendanger, la conduite avec une remorque attelée - manœuvre en marche-arrière, entre les cônes -, la pulvérisation.»

La progression est construite individuellement par l’enseignant, qui joue également sur le niveau de difficulté du terrain, calqué par Acreos sur les reliefs réels de l’exploitation viticole accolée à l’établissement.

L’outil est complémentaire aux deux tracteurs-écoles de l’établissement à un et deux rangs (l’un à transmission hydraulique, l’autre mécanique), qui sont dotés de double-postes de conduite, avec des commandes doublées, comme dans les auto-écoles.

«Lorsqu’un élève monte sur l’un des tracteurs-école, un gros travail a déjà été fait. Il a déjà des réflexes pré-établis pour utiliser les commandes d’avancement, le volant, et les outils également, les commandes tactiles ou les interrupteurs pour activer les outils. Un novice aurait une appréhension, c’est sûr: le poste de conduite est assez haut, on n’a pas forcément en tête le gabarit de l’engin. Avec le simulateur, il a déjà le gabarit en tête, et les manœuvres à effectuer pour faire une prise de rang sont acquises.»

Diagnostic assez semblable du côté de Sainte-Livrade, dans le Lot-et-Garonne, où les élèves bénéficient depuis un semestre d’un simulateur de conduite Tenstar.

Philippe Netto, directeur du Cfaa 47, évoque les raisons pour lesquelles le Région Nouvelle Aquitaine et la MSA ont financé ce simulateur de conduite Tenstar, doté de licences pour un tracteur attelé, une moissonneuse-batteuse et un charriot-élévateur: «Les candidats et les candidates à nos formation de productions végétales ne sont pas toujours à l’aise avec la conduite.»

L’établissement prépare des apprentis au Cfa mais également des adultes en reconversion professionnelle au Cfppa. Et les besoins sont importants. «L’année dernière, Pôle Emploi indiquait que 17.000 emplois n’étaient pas pourvus au niveau du département, dont 70% dans le secteur agricole. Et 50% de ceux-là sont des emplois pérennes, non saisonniers. Nous sommes en manque de candidats, jeunes et moins jeunes, les jeunes issus du milieu agricole ne suffisent plus», résume-t-il.

Au sein des établissements, certaines filières attirent davantage les candidat(e)s hors-cadre. C’est le cas des filières de productions végétales – maraîchage, horticulture ornementale, arboriculture, pépinière – avec un intérêt marqué pour le bio et la protection de l’environnement.

simulateur de conduite tracteur

Le simulateur de conduite est pour l’instant une curiosité. Il fournit une première proposition de progression. L’accent est mis an premier lieu sur la sécurité.

Simulateur ou stimulateur?

Le directeur identifie aussi la conduite des machines, et l’agroéquipement en général, comme des secteurs capables de stimuler les envies professionnelles des jeunes, «davantage que le monde agricole en général. Ils savent qu’ils ont des possibilités plus diverses, qu’ils peuvent aussi travailler dans des concessions par exemple».

En conséquence, «nous accueillons des personnes qui n’ont aucune expérience préalable de conduite de ces machines. Et ceux qui ont déjà pu manœuvrer un peu, que ce soit sur l’exploitation familiale, ou via des stages, ont rarement toutes les compétences.»

Car l’accent est mis en premier lieu sur la sécurité: «Le simulateur de conduite permet de les tester sur la prise en compte des gabarits, leur capacité à prendre les bonnes décisions dans des situations variées. Bien sûr, la technicité professionnelle ne sera pas acquise à 100% avec le simulateur mais sur le terrain, à partir notamment des travaux pratiques réalisés sur l’exploitation de l’établissement.» Et ensuite, à travers leurs stages et apprentissages. «Aujourd’hui ce simulateur fournit une première proposition de progression pédagogique. L’étape de départ consistera par exemple à appréhender le gabarit du tracteur, avec un parcours sur piste entre des plots. Ensuite, viendra un parcours avec une benne attelée, une fourche frontale et ensuite un outil attelé de travail du sol. Pour les chauffeurs plus aguerris, sur la licence moissonneuse-batteuse, on peut aller jusqu’à simuler la gestion d’un chantier de récolte.»

Une curiosité

Le simulateur de conduite est pour l’instant une curiosité. «Nous n’obligeons personne à y aller. Nos BTS, par exemple, ont une demi-journée de formation ‘à distance’ par semaine. Ils sont accompagnés par un tuteur si besoin, mais en autonomie. Ils peuvent choisir dans un ‘menu’ plusieurs possibilités d’activités, selon leurs propres besoins. Le simulateur fait partie de ce menu.»

L’équipe enseignante envisage d’aller plus loin. Elle travaille, avec d’autres établissements utilisateurs de simulateurs de la région, à construire sa propre progression pédagogique, effective en 2020: «Il faut d’abord que les enseignants puissent positionner l’élève par rapport à son niveau de départ, lui faire suivre une progression prescrite en autonomie et l’évaluer, toujours à l’aune de la sécurité.»

Apprentis et adultes sur simulateurs

Le CFPPA / CFA de Beaunes dispense deux formations mettant en œuvre les huit simulateurs de conduite sur tracteurs-enjambeurs. En 2019, l’établissement a ouvert à destination des adultes, avec le Pôle Emploi de Chalon-sur-Saône, un BPA Travaux de Conduite et Entretien des Engins Agricoles (TCEEA), sur environ 1 200 h de formation. Il forme également des apprentis déjà rôdés à la viticulture (soit en mécanique, soit en viti) pour une spécialisation ‘tractoriste’, sur 420h en apprentissage.

Des salaires en forte hausse

Les tractoristes qualifiés sont devenus une denrée rare en Bourgogne. Même si Benoît Maire, enseignant en agroéquipement, souligne que «à la sortie, les apprenants ont encore besoin d’expérience», les domaines autour de Beaunes les attendent déjà pour du travail à la sortie de leur formation. Question salaire, le rapport de force est aujourd’hui en faveur des salariés. «Un novice peut espérer environ 1500€ net, ce qui est un beau salaire à ce niveau de qualification. Un salaire, qui peut attendre 2000 ou 3000€ net pour des tractoristes expérimentés.»

(1) L’investissement pour ces huit simulateurs de conduite a dépassé le million d’euros. Il a été soutenu par la Région Bourgogne – Franche Comté, le fonds Feder (Union européenne) et le CFA/CFPPA de Beaunes.

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Article extrait du supplément Formation – mars 2020

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