Jean-François Deneuville, agriculteur et gestionnaire de projets collectifs

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Jean-François Deneuville, agriculteur et gestionnaire de projets collectifs

Jean-François Deneuville, agriculteur en périphérie de Lille, est moteur dans la gestion de projets collectifs dans son territoire.

Presque plus à l'aise dans une entreprise que seul dans un tracteur au beau milieu des champs, Jean-François Deneuville, agriculteur en périphérie de Lille ne s'épanouit qu'au rythme des projets qu'il mène. Le dernier et pas des moindres, la création d'une cuma Récoltes et Nous en février 2023.

Il y a deux ans, lorsqu’il décide d’abandonner son poste de gestion de projet dans l’entreprise ferroviaire Bombardier pour devenir agriculteur à temps plein, Jean-François Deneuville sait qu’il a besoin d’interagir avec les acteurs de son territoire. « Être seul dans un tracteur toute la journée, ça ne me passionne pas, lance ce quadragénaire. En revanche, avoir un lien social c’est primordial pour moi. Or, sur mon type d’exploitation en grandes cultures, je ne pouvais pas y parvenir. » Le collectif vient alors à son aide.

L’exploitation idéale

Et il y a la raison financière. « J’ai des projets pour mon exploitation, sauf qu’avec l’investissement pour la reprise, je n’ai pas beaucoup de possibilités, avoue-t-il. Seul, je suis bloqué. » Alors, un an auparavant, il mobilise les agriculteurs de son coin, au sud de Lille. Maître de la gestion de projets et d’équipe, il fait appel alors à la MEL (métropole de Lille) pour financer cette rencontre via le plan de relance. « Pour attirer et motiver les agriculteurs à se déplacer et consacrer une journée, il faut que le programme soit alléchant, ainsi que le cadre », estime l’agriculteur en partie bio. Il a su également s’épauler sur les organisations agricoles locales : la frcuma, Bio en Hauts-de-France et la chambre d’agriculture.

Dans un cadre idyllique, 25 agriculteurs, toutes productions confondues, ont réfléchi à leur exploitation idéale. « Pour ma part, j’ai l’ambition d’avoir davantage de réactivité et d’adaptabilité, répond l’ingénieur. Je veux pouvoir répondre à une opportunité de marché sans me poser de questions ou faire face à des freins. Qu’ils soient d’un point de vue du matériel, de la main-d’œuvre ou du stockage. » D’autant qu’il cherche, comme la plupart des agriculteurs à répondre aux enjeux environnementaux. « Cela demande de la réactivité. » Et seul sur son exploitation, cela lui semble impossible. Au fil des rencontres, le projet se dessine et un collectif de neuf exploitants semble faire groupe. La cuma fait sens à leurs projets et voit le jour après une année de rencontres, en février 2023.

La herse, symbole de la cuma

« Nous sommes dans une zone périurbaine, fait remarquer Jean-François Deneuville. Pour répondre aux attentes des citadins, qui sont nos voisins, nos exploitations doivent pouvoir évoluer. Réduire nos IFT est un de nos objectifs. » Pour cela, la cuma a investi dans une herse étrille. Cet achat se veut aussi symbolique par son utilité. Et elle permet d’essayer et confronter les pratiques agroécologiques de chacun. Mais hors de question de faire du greenwashing. Pour garantir l’intégrité des adhérents, chaque membre de la cuma doit s’engager dans l’outil… Une manière de montrer patte blanche.

Outre l’enrichissement du panel d’outil de la cuma, en achetant un tracteur, un broyeur et une benne, le collectif va beaucoup plus loin pour ce cadre. « Les deux étages supplémentaires de la fusée que nous venons de lancer sont le partage de main-d’œuvre et la construction d’un bâtiment », imagine le président de la cuma, qui reste tout de même prudent. « Il sera dimensionné de manière qu’aucune ambition ne soit bridée. Mais attention, je ne veux pas non plus créer un grand kolkhoze », s’amuse-t-il à dire.

Porte d’entrée à l’agriculture

Petit à petit, avec de la patience car c’est le gros enjeu du collectif, Jean-François Deneuville a su se saisir du dynamisme de son secteur pour parvenir à ses fins. Mais c’est aussi grâce à l’association Récoltes et Nous, créée en septembre 2015. Véritable porte d’entrée vers l’agriculture pour les entreprises, elle a pour objectif de créer un lien avec les riverains et les agriculteurs. « On veut montrer la complexité, mais aussi la modernité de notre agriculture, précise celui qui s’enrichit des rencontres. Pour cela, nous avons lancé plusieurs partenariats avec de grosses ou moins grosses entreprises de Lille. »

L’idée, c’est de faire découvrir l’agriculture aux personnes qui la côtoient quotidiennement. Il l’illustre ainsi : « Tous les midis, je vois courir des salariés de chez Décathlon dans nos chemins. Mon ambition est de leur montrer ce que nous faisons. Pour cela, j’aimerais proposer aux dirigeants de cette entreprise de consacrer un peu de temps à leurs salariés pour qu’ils viennent visiter l’exploitation. » Ou encore de montrer ses actions. « Il y a, cet automne, une cinquantaine de salariés d’une entreprise voisine qui est venue m’aider à planter une haie. C’était une sorte de team building pour eux et pour moi, ça m’a permis de parler de l’agriculture et de nos pratiques environnementales. »

Projets agricoles

Sans cette association et les membres qui la font vivre, il est conscient qu’il ne pourrait que très peu communiquer. « Je suis agriculteur en grandes cultures, mon exploitation ne se prête pas à la rencontre avec des personnes extérieures au milieu, fait-il remarquer. Alors, je le fais grâce et avec les autres. »

Mais l’association, qui regroupe une douzaine d’entreprise,s ne s’arrête pas là, puisqu’elle accueille et finance des porteurs de projets agricoles. Un lieu a d’ailleurs été matérialisé, non loin du bureau de Jean-François Deneuville. Là, il souhaite y implanter une ferme collaborative. Lieu d’accueil de tous les agriculteurs, en lien ou non avec la cuma. Car cet ingénieur l’a bien compris, « les collectivités locales qui investissent cherchent avant tout à favoriser les projets collectifs. On se rend la pareille finalement. » Une manière de donner du sens à son métier et de s’imposer sur le territoire très urbanisé de Lille.

Jean-François Deneuville et ses projets en trois dates :

Septembre 2015 : création de l’association Récoltes et Nous.

2020 : il quitte son poste d’ingénieur chez Bombardier.

Février 2023 : création de la cuma éponyme.

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