En 2016, la sucrerie de Fontaine-le-Dun, contrainte réglementairement, réfléchissait à la gestion de ses eaux de bassin. En parallèle, la cuma de la Croix était proche de sa dissolution. Deux situations différentes qui finalement ont abouti à un partenariat pour gérer les eaux de décantation de la sucrerie. Une aubaine pour quelques agriculteurs qui ont décidé de concentrer l’activité de la cuma uniquement sur l’irrigation.
Depuis, d’autres adhérents les ont rejoints. Après maintes réflexions, c’est en 2018 que l’objectif est atteint avec la création d’un partenariat « gagnant-gagnant » entre l’usine de Fontaine-le-Dun et la cuma de la Croix. Ainsi, la sucrerie du groupe Cristal Union dispose d’un interlocuteur unique capable de répondre à son besoin de sortir un maximum de volume d’eau de ses bassins et de l’épandre sur des terres proches de l’usine.
L’irrigation a relancé la dynamique du groupe
De leur côté, les adhérents de la cuma profitent de cette eau pour irriguer leurs cultures. « Cette nouvelle activité a relancé la dynamique de notre groupe, et même maintenu son existence, explique Damien Ouvry, président de la cuma de la Croix. Aujourd’hui, nous sommes six adhérents et la cuma ne détient plus que du matériel d’irrigation. »
Pour transporter l’eau de la sucrerie à Saint-Pierre-le-Viger, la sucrerie a financé sept kilomètres de réseau d’irrigation enterré. Ensuite, chaque adhérent de la cuma a investi dans des barres en aluminium pour raccorder son propre réseau aux sorties d’irrigation.
De l’eau…
En moyenne, la cuma irrigue 100 ha de pommes de terre et 75 ha de betteraves auxquels s’ajoutent parfois 100 ha de lin. « Sur les pommes de terre à chair ferme et de consommation, nous apportons 60 à 70 mm d’eau, précise Damien Ouvry. Sur betteraves, nous réalisons soit un seul passage de 30 mm d’eau soit deux passages de 25 mm chacun. Ces deux cultures sont gourmandes en eau et les quantités apportées varient selon les conditions climatiques de l’année. »
Quant à l’irrigation du lin, elle n’est pas systématique. « Le lin est une culture à cycle court qu’elle boucle en 100 jours, indique Damien Ouvry. Lors des printemps secs, nous réalisons un passage d’irrigation pour que la culture poursuive sa croissance et atteigne son potentiel de hauteur et de fibres. »
Sur son territoire, Damien Ouvry explique ne pas avoir de contraintes hydriques. « Nos sols sont profonds et nous bénéficions d’un climat maritime, sans excès de température. Ce sont des conditions favorables pour que les cultures expriment pleinement leur potentiel. »
…et des minéraux
Cependant, le président de la cuma convient que l’eau issue de l’activité industrielle de la sucrerie est bénéfique aux cultures puisqu’en plus de l’eau, elle apporte des éléments minéraux disponibles aux cultures.
« Un passage de 100 mm d’eau de décantation apporte environ 50 unités d’azote, 10 unités de phosphore et 200 unités de potasse, précise-t-il. Cette eau, mise à disposition, contribue à la fertilisation de nos productions que nous pilotons au plus juste en réalisant des analyses de sol. »
Sur la culture de la pomme de terre, Damien Ouvry a constaté que les apports d’eau de sucrerie permettaient un gain de productivité de 5 à 7 t/ha. « C’est sécurisant, d’autant plus que nous répondons au marché du frais qui exige des tubercules les plus propres possibles et sans point de gale. En réduisant le stress de la plante, l’irrigation permet de répondre à ces exigences. »
Rigueur, réactivité et flexibilité
Pour gérer le planning d’irrigation, les adhérents de la cuma de la Croix se réunissent chaque fin d’année pour communiquer leurs besoins potentiels en eau d’irrigation pour les pommes de terre, les betteraves et éventuellement le lin.
Ces volumes d’épandage engagés auprès de la sucrerie varient de 120 000 à 180 000 m3 par an, variable selon les surfaces et les conditions climatiques. L’eau est généralement épandue sur la période estivale, de juin à août.
« Lorsque les conditions climatiques sont très humides en été et que nous ne pouvons pas épandre les volumes d’eau engagés avec la sucrerie, nous arrosons, à l’automne, nos couverts déjà installés et développés, souligne Damien Ouvry. En revanche, en année sèche, nous sollicitons la sucrerie pour qu’elle ajuste nos engagements à la hausse. Selon ses capacités de stockage, elle peut être en mesure de nous fournir des volumes d’eau supplémentaires mais cela reste exceptionnel. »
L’irrigation, une activité chronophage
Pour démarrer l’irrigation, le groupe Cristal Union a investi dans trois enrouleurs qu’il a mis à disposition de la cuma. Depuis, celle-ci en a financé deux autres, pour un montant total de 110 000 euros.
« Nous sommes bien équipés, convient Damien Oury. Avec cinq enrouleurs, nous avons de la souplesse pour organiser les chantiers d’irrigation avec moins de stress. Nous pouvons être très réactifs surtout lors des épisodes de sécheresse, une période où il faut optimiser l’utilisation du matériel. Dans ces situations, nous irriguons de jour comme de nuit pour réaliser deux passages quotidiens d’irrigation. C’est un chantier à part entière qui exige du temps de présence. »
« Rien ne vaut le coup de patte de l’agriculteur »
Pour améliorer la performance organisationnelle des chantiers d’irrigation, Damien Ouvry, président de la cuma de la Croix, a testé différents outils d’aide à la décision (OAD). Peu convaincu, il préfère se fier à son instinct d’agriculteur pour déclencher ou non l’irrigation. Toutefois, il n’exclut pas de poser des sondes tensiométriques dans les buttes de pommes de terre pour piloter l’irrigation.
Aujourd’hui, la cuma a trouvé l’organisation qui lui convient et elle ne cherche pas à développer d’autres activités. « Nous souhaitons conserver une structure légère qui nous offre de la flexibilité dans l’organisation des chantiers, avec des adhérents motivés, indique Damien Ouvry. Nous cherchons juste à optimiser le temps de chacun dans le montage et le démontage des tuyaux d’irrigation ainsi que dans le suivi quotidien. Pendant les périodes de pointe, la présence humaine est indispensable. » L’enterrage des réseaux individuels serait certainement une solution.
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