Triple récolte d’interculture
Dans le même temps, beaucoup de troupeaux laitiers avaient retrouvé les grands espaces dès cette première quinzaine de février 2023. En Bretagne, Cyril Get fait partie de ces éleveurs qui ont mis à l’herbe leur troupeau au beau milieu de l’hiver. Alors que l’herbe a ainsi remplacé la moitié de sa ration, il constate aussitôt un gain de productivité laitière de 3 kg/j avec un TB et un TP améliorés d’un point. « Pour moi l’objectif est de préserver les stocks », précise le cultivateur de 75 ha d’herbe sur 90 ha de SAU, en constatant que l’hiver, « la croissance de l’herbe ne se bloque plus comme elle le faisait avant. »
Des spécificités par rapport à l’herbe traditionnelle
« À partir de fin septembre – octobre, une prairie peut offrir un quart de sa production annuelle, acquiesce Patrice Pierre, et tant que l’hiver est doux, qu’il n’y a pas de période de gel sur plusieurs jours, l’herbe continue de pousser ensuite. » Et l’expert Idele conforte : « C’est une herbe qu’il faut aller chercher, c’est une certitude. » Il appuie cette incitation aussi sur la qualité de ce fourrage fait de pousse feuillue qu’il serait dommage de laisser geler sur place. D’une part, cela constitue en effet une perte. D’autre part, elle pénaliserait la qualité alimentaire de l’herbe du printemps suivant.
Par rapport à l’herbe printanière, la végétation d’arrière-saison contient « un peu plus d’eau. Elle est un peu moins ingestive également, alerte Patrice Pierre. Mais elle est de très bonne qualité. » Les vaches ne s’y trompent pas. « Les éleveurs constatent généralement que l’appétence est au rendez-vous », s’accordent les ingénieurs en relevant néanmoins le risque de présence de nitrates régulièrement observée dans ces récoltes.
De l’herbe intéressante sur le plan de la qualité
Un autre avantage de cette ressource de contre-saison est qu’elle est relativement conciliante par rapport à la saison printanière, quand la dynamique d’épiaison pousse le compte à rebours. « L’épiaison pénalise les valeurs alimentaires », rappelle l’ingénieur Idele. Or elle n’intervient pas après la sécheresse de l’été. « C’est donc beaucoup plus facile de gérer le pâturage. La pousse est en même temps moindre. On ne se fera pas déborder comme avec de l’herbe de printemps. » L’éleveur breton apporte une nuance. « Un inconvénient de l’hiver est que la pousse est irrégulière. » Donc sans paddocks, difficile d’étaler sa valorisation en pâturage.
Récolte pour stock en cycle court
Lorsqu’il est possible et que le terrain offre la portance suffisante, le pâturage reste le mode de gestion le plus économique. Néanmoins, « ce n’est pas toujours le cas », concède Émilie Turmeau. Ainsi les solutions de l’enrubannage ou l’ensilage s’envisagent. Dans tous les cas, ce fourrage est récolté dans des conditions qui ne permettent pas une bonne conservation : « Il faut le consommer rapidement. » Quant à l’affouragement, « vu que les éleveurs sont très rarement équipés, la question se pose assez peu ici », répond la conseillère pour qui une telle intervention quotidienne serait probablement plus complexe à gérer qu’un chantier de récolte habituel. « N’oublions pas que la main-d’œuvre est le sujet n°1 des élevages. »
« Avec l’herbe, il faut savoir s’adapter », sa cuma le permet
Du côté d’Iffendic, Cyril Get dispose d’une solution d’affouragement, depuis que sa cuma développe ce service. Lancée en 2016, l’activité autochargeuse de la cuma Agribocage, s’est bien installée. « Au départ, l’autochargeuse devait valoriser le tracteur du groupe de fauche. Finalement, elle fonctionne avec son propre tracteur », illustre l’adhérent. « Tous les ans, de nouveaux éleveurs s’y mettent. » D’autres arrêtent ou font l’impasse. Mais la demande est là. Force est de constater en même temps que la disponibilité du service permet donc aux adhérents de s’adapter. « Et avec l’herbe, il faut savoir s’adapter. »
L’affouragement représente actuellement un billet quotidien de cinquante euros son troupeau laitier d’une soixantaine de vaches. D’ordinaire, Cyril sollicite l’autochargeuse sur l’automne et avant la mise à l’herbe. « Normalement mes terres ne portent pas assez pour le pâturage à ces saisons. » Exception donc pour le lancement de l’année 2023. En revanche, à l’automne, alors que la pousse était importante, « j’ai affourragé les vaches jusqu’à Noël. » Après l’été qui avait mis ses stocks à rude épreuve, « ça a été très appréciable de pouvoir faire ça », conclut l’éleveur qui partagera son expérience lors du forum du prochain Mécaélevage, fin mai en centre Bretagne.
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