À cheval sur le nord de la Mayenne et l’Orne, la SAS Agrimaine Méthanisation rassemble 109 agriculteurs, et produit de l’ordre de 100 000 m3 de digestat par an. La réflexion a commencé en 2009-2010 mais l’activité a réellement commencé fin 2019. Cette unité transforme en majorité du fumier, mais produit à 80% un digestat liquide. Le changement est donc profond pour les agriculteurs concernés, leurs cuma et leurs prestataires. « Une vingtaine de cuma sont actives dans la zone concernée, explique Jean-François Gahéry, un des éleveurs actionnaires et par ailleurs président de la fdcuma de la Mayenne.
Elles sont été informées du projet dès le départ, et les entrepreneurs qui faisaient de l’épandage de fumier dans le secteur étaient également très attentifs aux changements en cours. » Les responsables de l’unité de méthanisation n’ont pas souhaité se charger de l’épandage de l’ensemble du digestat, vu l’ampleur des besoins. Le chantier n’était pas non plus à la portée d’une des cuma locales ou même d’une inter-cuma. Le périmètre de la SAS a donc été circonscrit ainsi : elle assure l’épandage en direct dans un rayon de 4 km, et transporte le digestat vers plusieurs dizaines de réserves tampons au-delà de cette distance.
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Elle fait pour cela appel à des entrepreneurs de travaux agricoles, qui s’occupent également de la collecte de fumier et de lisier chez les associés. Ensuite, chaque adhérent épand selon ses préférences. « Les agriculteurs financent les réserves, précise Jean-François Gahéry, mais ils sont indemnisés par la SAS. Nous avons adapté leur volume au parcellaire qui les entoure. Certains d’entre nous stockent également pour un autre associé ayant une parcelle proche, pour lui éviter des déplacements. »
Chaque adhérent épand les effluents selon ses préférences
Hervé Masserot, conseiller à la fdcuma et expert régional pour l’épandage, a observé les conséquences du projet. « Dans chacune des 20 cuma concernées, 3 à 5 adhérents ont choisi la méthanisation. Ils n’épandent plus de fumier mais ont besoin d’épandre du digestat liquide et un peu de solide. Les cuma se sont adaptées : 4 d’entre elles ont acheté une tonne avec enfouisseur ou rampe à pendillards, et 3 sont en réflexion. Dans ce genre de situation, il est important que les groupes voisins échangent entre eux. » La cuma de la Varenne en donne l’illustration, comme le détaille Jean-François Gahéry : « Sur les 12 adhérents, nous n’étions que 3 à vouloir une tonne à lisier avec rampe, et un service de prestation, mais nous avons trouvé d’autres volontaires dans 3 cuma voisines. »
La cuma a ainsi pu remplacer son ancienne 20 m3 par une 18 m3 avec rampe de 12 m. Au passage, elle est dans les clous côté code de la route, ce qui rassure autant le chauffeur salarié que les responsables. Cette prestation a d’ailleurs séduit des adhérents pour du lisier classique. Elle est facturée entre 1,75 €/m3 (épandage au pied de la fosse) et 2,21 €/m3 (parcelle éloignée).
Coût de l’épandage des effluents en méthanisation
A la cuma du Horps également, il y avait aussi une tonne de 14 000 l avec buse palette. « Une bonne moitié de nos adhérents a investi dans l’unité de méthanisation, raconte son président Romain Grandin. Nous avons donc perdu de l’activité sur l’épandeur à fumier et les bennes mais avec 10 000 m3 de digestat à épandre pour 7 adhérents, nous avons pu acheter une tonne avec rampe à pendillards.
Les rayons X : Épandeurs à fumier et Méthanisation
Elle va nous permettre d’intervenir sur blé en fin d’hiver et sur sol nu avant les semis de maïs. » Il s’agit d’une activité à la carte : certains adhérents ont un tracteur qui convient et les autres peuvent en prendre un à la cuma. Ils peuvent également solliciter le salarié de la cuma ou réaliser eux-mêmes le travail. Le printemps 2020 n’a constitué qu’un premier test car la cuma a dû se contenter d’une tonne prêtée par le concessionnaire en attendant la livraison de la sienne. Premières impressions : « Le digestat est facile à épandre, et le chantier est plus efficace : il suffit d’un tour à l’hectare, au lieu de trois avec l’épandeur à fumier. » L’organisation devra être calée plus précisément, peut-être en s’appuyant sur un système de réservation en ligne. Côté chiffres, il est trop tôt pour avancer un prix de revient. La tonne a en tout cas coûté 150 000 €.
Des salariés occupés
La cuma de l’Aiguillon a une dimension plus importante puisqu’elle possède aujourd’hui 5 tonnes à lisier et 3 épandeurs à fumier. « Nous avons une dizaine d’adhérents engagés dans la méthanisation, explique son président Philippe St Ellier. Avec eux, l’activité fumier a diminué mais nous avons quand même renouvelé les matériels, pour ne pas pénaliser les autres adhérents.
Par contre, nous sommes descendus de 4 à 3 appareils. » Pour le lisier, les adhérents ont désormais le choix entre 5 tonnes, de 10 000, 18 000 ou 20 000 l. Deux d’entre elles sont équipées d’un enfouisseur (5 et 6 m) et une troisième d’une rampe à pendillards de 15 m. « La majorité des chantiers est réalisée par les adhérents eux-mêmes, observent Stéphane Lecout et Damien Marie, qui participent à cette activité. Ils peuvent prendre un tracteur de la cuma ou demander un de nos salariés, ou les deux, mais au printemps il faut compter avec la concurrence des autres travaux : fauche, ensilage, semis de maïs. »
La cuma de l’Aiguillon facture ses tonnes sur deux critères
Grâce aux nombreuses réserves tampons, il y a rarement plus de 3 ou 4 km de trajet à faire jusqu’à la parcelle. C’est aussi un facteur positif pour réduire le salissement des routes. Les chantiers en prestation complète sont planifiés de proche en proche pour réduire les pertes de temps sur la route. « La réservation se fait en ligne, avec l’application Chantiers. Les adhérents sont par ailleurs incités à regrouper leurs interventions, ce qui leur évite d’avoir à nettoyer le matériel plusieurs fois. Avec un enfouisseur, il faut un peu de temps. »
La cuma de l’Aiguillon facture ses tonnes sur deux critères : le volume transporté (11,50 €/voyage) et la distance parcourue (0,42 €/km), auxquels on ajoute l’équipement (rampe ou enfouisseur). Les adhérents apprécient d’avoir le choix pour ce dernier, en fonction de l’état du terrain, du précédent cultural et de l’itinéraire de la culture à venir.