Difficile de maîtriser complètement ses charges, notamment ses coûts de mécanisation ! En plus, les agriculteurs reçoivent régulièrement des conseils contradictoires. Entre les concessionnaires et les conseillers de gestion qui n’ont pas les mêmes objectifs, et la conjoncture économique fluctuante… les agriculteurs ont vraiment besoin de conseils désintéressés et fiables pour faire leurs choix de mécanisation.
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Charges : tout comptabiliser
En matière de coûts de mécanisation, Julien Hérault conseiller indépendant en agroéquipement invite à tout compter si l’on veut être précis. Dans l’analyse des charges de mécanisation, il privilégie la notion de coût de détention. C’est-à-dire le prix d’achat du matériel neuf ou occasion, moins le prix de cession auquel il sera revendu quelques années plus tard. Il faut pour cela estimer un taux de dépréciation. La démarche demeure délicate. Difficile de dire à quel prix l’on vae revendre mon matériel. Le marché de l’occasion est actuellement dynamique avec des tarifs de reprises élevés. Toutefois, la décote peut être plus rapide pour certains matériels soumis, par exemple, à l’obsolescence technologique.
Évaluer globalement ses charges de mécanisation
Pour cerner le coût total de la mécanisation d’une exploitation, il convient d’ajouter aussi les autres coûts : l’assurance, les frais financiers qui grimpent à nouveau, le carburant et les coûts d’entretien parfois sous-évalués tels que les pneumatiques. « J’ai vu récemment un tracteur de 150 cv dont le coût d’usure des pneumatiques atteint 1, 80 €/h », relate Julien Hérault. Ainsi que d’autres coûts indirects, tel que le remisage. Stocker l’automoteur dans une travée de hangar représente une charge indirecte pour l’exploitation. Idem pour la valeur de l’équipement de l’atelier, qui sert aux réparations des matériels. Pour être exhaustif, il serait judicieux d’additionner aussi le temps de travail consacré à nettoyer, entretenir et réparer.
« S’il me faut trois jours pour entretenir et réparer, à quelle valeur horaire vais-je évaluer mon temps ? », interroge le conseiller. Pour l’agriculteur désireux de comparer le coût du chantier qu’il effectue lui-même avec son matériel, au coût d’une prestation extérieure facturée, il est nécessaire de donner une valeur économique au temps passé à la conduite de son matériel. Mais aussi à tout le travail annexe : attelage, dételage, transport, réglage et lavage.
Surinvestissement ou pertes de rendement ?
Le dimensionnement du parc de matériels est déterminant aussi dans les coûts de mécanisation. 2019, est un repère dans la mémoire des agriculteurs comme étant l’une des pires années pour mener à bien ses chantiers culturaux. Cette année défavorable sert de base de raisonnement à certains agriculteurs pour dimensionner leurs parcs de matériels de manière à qu’ils puissent réaliser en temps et en heures tous les travaux saisonniers quelles que soient les conditions climatiques, sans impact sur les rendements. Des outils existent justement pour chiffrer les jours agronomiquement disponibles à partir des données climatiques et pluviométriques, conjuguées au temps de ressuyage nécessaire avant de pouvoir intervenir sur ses parcelles.
À partir de ces données, on peut déduire ensuite en fonction des surfaces à cultiver et de son temps disponible, le dimensionnement de sa chaîne d’outils. Julien Hérault souligne à ce propos l’opportunité de comparer le surcoût résultant de ce « surinvestissement » en matériel, à l’impact financier d’éventuelles pertes de rendement certaines années, lorsque les travaux n’ont pu être réalisés au moment optimum. Cela permettrait de chiffrer en quelque sorte le coût de cette forme d’assurance. A combien de quintaux par an, correspond le suréquipement dans une chaîne d’outils, inutilisée 8 années sur 10 ?
Le surcoût du renouvellement rapide
Autre comportement observé par Julien Héraut : le renouvellement rapide de son matériel. Un choix parfois décidé pour atténuer les risques de pannes et leurs conséquences sur l’immobilisation d’un chantier. Certes, un accident en cours de saison peut être très pénalisant. Mais le surcoût relatif à l’achat d’un matériel neuf se justifie-t-il pour autant ? Quel coût supplémentaire de réparation budgéter sur un matériel un peu plus vétuste, en comparaison de la surcharge financière que représente son renouvellement prématuré ? Ce besoin de sécurité peut générer en effet un surcoût important. Mais ce sont surtout des arguments fiscaux et sociaux qui incitent les exploitants agricoles à accélérer le renouvellement de leurs matériels. En particulier le tracteur qui à lui seul, pèse près plus du tiers des coûts de mécanisation.
D’autres leviers pour défiscaliser
En parallèle de l’achat de matériels, il existe d’autres outils pour moduler les prélèvements obligatoires. Les résultats comptables 2022 devraient être positifs pour un certain nombre d’exploitations, notamment en grandes cultures. Ce qui incitera probablement certaines d’entre elles à vouloir défiscaliser. Toutefois, au-delà de l’incidence potentielle sur le futur niveau de retraite, un investissement non justifié au regard des besoins réels de l’exploitation constitue une prise de risque. Or, dans un contexte où les retournements de tendance économique deviennent fréquents, ce risque peut fragiliser l’exploitation.
D’autres choix sont possibles. Ainsi, moderniser ses bâtiments d’élevage, pour qu’ils deviennent plus fonctionnels, entraînera aussi des charges déductibles. Et ceci, tout en générant du mieux-être quotidien. Dans le même esprit, l’embauche partagée d’un salarié en groupement d’employeurs, qui va créer également des charges salariales déductibles, contribue aussi à diminuer les impôts. Et en même temps l’astreinte de travail.
Avant de surinvestir dans du matériel agricole qui serait peu utilisé, il convient d’autre part d’examiner les divers dispositifs qui existent dans la comptabilité pour réguler les prélèvements obligatoires. Citons la possibilité de modifier la dépréciation comptable d’un bien en cours d’amortissement en jonglant entre amortissement linéaire et dégressif (si le matériel est éligible à l’amortissement dégressif) ; l’option en faveur de la moyenne triennale fiscale et sociale (l’assiette de l’impôt et des cotisations sociales sera alors égale à la moyenne des bénéfices de l’année d’imposition et des deux années précédentes) ; le choix de contracter une Dpe (déduction pour épargne de précaution), ce qui impose en parallèle un placement obligatoire sur un compte spécifique de 50 à 100 % de la déduction ; exceptionnellement, l’éventualité de changer de date de clôture d’un exercice comptable pour décaler éventuellement la prise en compte, dans la déclaration, des revenus très élevés une année.
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