Quels conseils prioritaires proposez-vous dans le montage de projets de développement?
D’abord mettre au clair les objectifs du chef d’entreprise. C’est-à-dire travailler autour de l’homme, de ses « moteurs » de motivation au quotidien.
Puis poser un diagnostic complet de son exploitation, de ses forces et faiblesses, des menaces qui pèsent sur elle et des opportunités à sa portée.
Ensuite, construire des scénarios cohérents aux objectifs du porteur de projet et au diagnostic de l’exploitation, avec des simulations où sont pointés les facteurs clés de succès.
Enfin, poser des chiffres. Cette démarche préalable est prioritaire. On part souvent de l’idée que le chef d’entreprise a déjà fait ce chemin. Or c’est loin d’être toujours le cas, et par conséquent on voit ensuite des « errements stratégiques ».
Quels sont les principaux facteurs de risques?
Le risque zéro n’existe pas. Je distingue trois facteurs majeurs susceptibles de compromettre la réussite d’un projet.
1) D’abord le besoin en fonds de roulement, souvent sous-évalué. Le financement des investissements est raisonné, mais pas toujours, le besoin en trésorerie.
2) Ensuite, le manque de compétences managériales qui peut conduire à un échec si l’exploitant doit embaucher ou gérer une équipe.
3) Enfin, la dimension « temps de travail » qui est minorée dans les projets. Cette sous-estimation du temps à investir peut conduire l’agriculteur à l’épuisement…
Plusieurs exploitations s’interrogent pour investir dans la méthanisation ou le photovoltaïque. Qu’en pensez-vous?
Pour les deux activités, la réalisation d’un budget prévisionnel s’impose évidemment. Mais pour la méthanisation, le volet « organisation » sera beaucoup plus poussé. C’est un nouveau métier technique, qui demande aussi de savoir communiquer et défendre son projet.
La banque sera au final le « juge de paix » et portera son attention sur la capacité du porteur de projet à investir dans cette nouvelle activité et à la gérer.
La transformation des productions de la ferme ou/et leur commercialisation en circuits courts, suscitent l’intérêt. Quelles conditions pour réussir?
On devra évaluer la compatibilité avec la poursuite de son activité d’agriculteur, en sachant que ce sont de nouveaux métiers à appréhender. Lorsqu’il s’agit de solliciter la prestation d’un boucher par exemple. Les compétences requises ne sont pas du tout les mêmes.
C’est toute une démarche « marketing mix » qu’il faut définir au préalable, avec une étude de marché : type de produit ? niveau de prix ? canaux de distribution ? supports de promotion ?
Evidemment, on devra prévoir la trésorerie nécessaire pour lancer l’activité. Celle-ci pourra être menée à l’échelle individuelle ou collective. Dans ce cas de figure, il est essentiel qu’il puisse y avoir un leader dans le groupe. Les autres partenaires pouvant être de bons contributeurs.
Et l’agrandissement?
Cela ne s’improvise pas. L’agrandissement peut être une alternative s’il permet d’optimiser la structure existante. Mais attention à l’« effet cliquet » qui oblige le chef d’exploitation à investir pour faire face à cette augmentation de surface. Il y a des « paliers de croissance » à calculer.
À défaut de nouveaux projets, y a-t-il des pistes pour conforter son revenu?
Plus que jamais, il est conseillé de suivre son coût de production et son « point d’équilibre » (niveau du prix de vente permettant de couvrir les coûts fixes et variables). Encore plus aujourd’hui où l’on observe une grande volatilité des prix. Ce qui peut amener le chef d’exploitation à actualiser les prévisions économiques en cours d’exercice, pour éviter l’effet « ciseaux de prix ».
Les prévisions sont de plus en plus incertaines. Ainsi, on prévoyait début 2022, un prix du porc à 1,50 €/kg de carcasse en fin d’année. Or les cours se sont renversés. Aujourd’hui, on atteint 2,30€… Les stratégies de couverture de prix se développent. On le voit avec le marché à terme en céréales. Et en porcs, certains élevages sécurisent en amont, les prix d’achat d’aliment du bétail.
On conseille à nos clients de bien anticiper leurs besoins en appros pour profiter si possible des achats groupés en morte-saison… La comparaison avec d’autres exploitations permet aussi d’identifier les marges de progrès qui sont parfois sous-estimées.
En lait par exemple, les écarts de coût de production entre le quartile supérieur et le quartile inférieur atteignent 120 €/1 000 l. La notion de taille optimale et de saturation de l’outil de production est importante également. Exemple : deux stalles de robot en service, pour 900 000 litres de lait, pourraient être mieux optimisées avec une production de 1 200 000 l…
Enfin, dans le cadre de la gestion des aides PAC, des simulateurs d’aides existent pour évaluer les scénarios optimaux à échafauder …